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le portail de Notre-Dame; elles avaient été sauvées par Lenoir qui les avait déposées au musée des monuments français, aux petits Augustins de Paris. On en peut voir le moulage au musée de l'art rétrospectif du Trocadéro.

Il semblerait qu'un souffle destructeur a passé depuis cent ans sur notre ville de Corbeil; presque tous ses monuments ont en effet disparu l'un après l'autre depuis un siècle; Ste-Geneviève des Récollets, St-Jacques dans le faubourg de ce nom, Notre-Dame, St-Jean de l'Ermitage et, tout récemment encore, St-Léonard et St-Guenault sont tombées à leur tour sous le marteau du démolisseur. Ces six églises, anciennes et intéressantes à plus d'un titre, ont été volontairement vouées à la destruction. Il ne nous reste plus que l'église St-Spire et la belle porte ogivale de son cloître; cette dernière, gracieux spécimen de l'architecture du XIIIe siècle, est dans un état navrant de dégradation, et l'on ne s'en occupe même pas !

En face de l'église Notre-Dame se trouvait l'Hôtel-Dieu qui, lui aussi, remontait à l'origine de la ville et qui a occupé le même emplacement jusqu'aux dernières années du XVIIIe siècle. La belle halle que l'on a construite récemment est placée sur le sol même de notre antique Hôtel-Dieu qui se trouvait adossé, comme la halle elle-même, au bras de rivière dit de la Boucherie. A la suite de ces bâtiments, devant peut-être, se trouvait un assez grand jardin dans lequel était un vivier pour la conserve du poisson; ce vivier s'alimentait par la rivière de la Boucherie à l'aide d'un petit canal. La voûte de ce canal était encore très visible, quoique bouchée, quand on fit la réfection du mur de soutènement sur la rivière, à l'occasion de la construction de la halle. Au-delà des bâtiments de l'Hôtel-Dieu, se trouvait la chapelle, puis le cimetière. D'après un procès verbal de 1757, cette chapelle avait 48 pieds de long sur une largeur variant entre 10 et 12 pieds.

Quant au cimetière, il ne devait pas être très grand, car nous avons trouvé dix-sept inhumations de 1620 à 1623, soit une moyenne de six décès environ par année.

La ville de Corbeil était petite, très peu peuplée, par conséquent l'Hôtel-Dieu n'avait que peu d'importance; ainsi, en 1790, il y avait quatorze lits de malades, moitié pour les hommes, moitié pour les femmes. Et quand, dans les moments de presse ou les temps d'épidémie, ces quatorze lits devenaient insuffisants, on y

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suppléait au moyen de bottes de paille, ainsi que nous l'apprend un livre de comptes de 1620 où on lit : « Il a esté payé pour l'achapt de deux cens et demy de feurre fourny pour changer les couches des pauvres pour les coucher, quand il en aborde plus grande quantité que n'y a de lictz audict Hôtel-Dieu, pour ce XV livres. »

En outre de sa mission de bienfaisance, l'Hôtel-Dieu de Corbeil eut souvent l'occasion de rendre aux habitants de cette ville des services qu'il n'est point inutile de rappeler. Pendant les guerres si fréquentes des siècles passés, notre pauvre cité eut à subir des assauts terribles; elle fut souvent prise, reprise et pillée; alors la chapelle de l'Hôtel-Dieu était un asile plus sacré encore que les autres églises et c'est sous ses voûtes que se réfugiaient les femmes et les filles pour échapper à la furie et aux outrages des soldats, les mercenaires indisciplinés d'alors. Il en fut ainsi le 16 octobre 1590, date sanglante et inoubliable qui vit notre malheureuse ville de Corbeil prise d'assaut par les troupes du duc de Parme. Il y eut ce jour-là dans nos rues un massacre épouvantable et un pillage sans précédent. « Le pillage fut si violent, dit de la Barre, qu'ils ne laissèrent aucune ustancile de ménage qui se peust transporter, que les fripiers de Paris n'achetassent à vil prix, et l'enlevèrent à Paris ». Le même auteur ajoute (1): « Les femmes et les filles s'estoient retirées de bonne heure en la chapelle de l'Hostel-Dieu et n'en sortirent point que la fureur de la tuerje et du pillage ne fust cessé; alors elles furent contraintes de payer rançon au Capitaine qui s'estoit emparé de la maison. »

Toujours sur la place du Marché, près de l'Hôtel-Dieu, se trouvaient l'Auditoire (nous disons aujourd'hui le tribunal), le greffe et les prisons, qui étaient antérieurement sur la place St-Guenault, près de l'église de ce nom; mais ces bâtiments avaient été détruits pendant les guerres du XVIe siècle et transportés sur la place du Marché au commencement du XVIIe; de la Barre, qu'il faut toujours citer, nous l'apprend ainsi : (2) « L'Auditoire et la Geole de la Prévosté de Corbeil qui anciennement estoient devant la porte de l'Eglise St-Guenault, avoient esté brûlées durant les guerres, et les officiers de la justice avoient esté contraints de loüer aux despens du Domaine une maison particulière, pour y tenir les plaids et rendre la

(1) Page 265.

(2) Page 279.

justice au peuple, avec une grande incommodité et indécence; ce qui les meut à composer avec Maistre André Courtin, Administrateur de l'Hostel-Dieu, d'une place size sur le marché de la ville, devant l'Eglise de Nostre Dame, moyennant 50 livres de rente, qui, du consentement de Monsieur de Villeroy (1), furent assignez sur le Domaine Royal de Corbeil le 9 aoust l'an 1611. En ce lieu le Prévost fit accommoder lauditoire, le greffe et les prisons ».

Ces tribunaux et prisons improvisés restèrent là un peu moins de deux siècles; et quand le district vint s'établir dans l'ancien Prieuré de St-Guenault, à l'époque de la révolution, le tribunal en occupa le rez-de-chaussée; le greffe fut installé au 2o étage, et la prison fut transférée dans l'ancienne église désaffectée de Saint-Guenault, qui était contiguë.

Le Prieuré de St-Jean de l'Ermitage, ainsi nommé pour le distinguer de St-Jean en l'Isle qui en était peu éloigné, occupait, sur la place du Marché, à peu près l'emplacement de la halle qui a disparu depuis peu, mais il s'étendait jusqu'à l'entrée de la rue du Grand pignon et de celle des Rosiers. Ce prieuré se composait d'une église, d'un grand jardin et de bâtiments d'habitation. Son origine était fort ancienne; l'abbé Lebeuf dit que sa fondation remonte à la première moitié du XIe siècle et il lui donne comme fondateur Nanterus, Vicomte de Corbeil, du temps du Comte Mauger; ce même Vicomte donna, en 1040, ce Prieuré à l'Abbaye de St-Maurdes-fossés, dont il continua à relever par la suite. L'abbé Lebeuf a donné une liste des Prieurs de cette maison; le dernier cité, avec la date de 1530, est Mathurin Charpentier qui ne paraît pas avoir eu de successeur. Plus tard, en 1610, on obtint de l'Évêque de Paris de pouvoir loger au Prieuré du Petit St-Jean, comme on disait alors, les prêtres de la paroisse Notre-Dame et les Prédica. teurs; les écoles y furent aussi installées; mais cet état de choses ne dura pas longtemps, car le Prieuré fut donné en 1642, moyennant 2.500 livres, aux Religieuses Augustines de Joigny, qui y fondèrent une communauté avec écoles de filles. Un procès-verbal de visite fut dressé à cette occasion; il énumère en détail toutes les parties du Petit St-Jean; les cours, les jardins, les bâtiments, la chapelle, tout y est décrit en détail et mesuré. C'est à M. l'Abbé Colas, l'érudit Curé de Soisy, que nous devons de connaître ce curieux procès

(1) Le marquis de Villeroy était alors Seigneur-engagiste de Corbeil.

verbal qu'il a su retrouver et qu'il a inséré dans son intéressant travail sur la Congrégation de Notre-Dame à Corbeil (1).

Le Prieuré de St-Jean fut occupé par les Augustines jusqu'en 1792, époque où elles furent chassées de la ville pour refus de serment. A cette époque, les bâtiments de l'Hôtel-Dieu, situés en face, tombaient en ruines; on trouva tout naturel de les démolir pour agrandir la place du Marché et d'installer la maison de l'humanité, c'était l'appellation nouvelle, dans les locaux laissés vides par les pauvres Religieuses Augustines. On démolit en même temps l'Auditoire et les prisons qui avaient été transportés depuis peu à la place St-Guenault, ainsi que nous l'avons dit plus haut. Ce transfert de l'Hôtel-Dieu eut lieu en 1797, et la majeure partie des habitants de Corbeil ont connu là, pendant plus d'un demi-siècle, cet utile établissement qui avait encore changé de nom et était devenu l'Hospice.

11 resta dans l'antique Prieuré jusqu'en 1866, époque où tous les services hospitaliers furent réunis dans le magnifique établissement actuel que la ville de Corbeil doit à l'intelligente générosité des Frères Galignani.

Le Prieuré de St-Jean disparut alors à son tour, contribuant, lui aussi, à l'élargissement de la place du Marché, mais ce qui augmenta beaucoup aussi cette place à cette même époque, ce fut la disparition de la rue St-Jean de l'Ermitage, appelée plus tard rue des Religieuses, parce que, s'ouvrant sur la rue NotreDame en face de l'impasse du même nom (2), elle conduisait à l'hospice, dont la grande porte se trouvait à quelques mètres de l'entrée de la rue du Grand pignon, pour aller ensuite aboutir sur le rempart.

Toutes les maisons qui formaient le côté gauche de cette rue étaient très profondes et avaient une double issue, sur la rue et sur la place; toutes furent démolies et leur emplacement, joint au sol de la rue supprimée, procura un très notable agrandissement à la place du Marché. Il résulte de cette disparition que toutes les maisons du côté droit de la rue disparue ont maintenant vue sur

(1) La Congrégation de Notre-Dame à Corbeil par l'Abbé Colas. Orléans, 1890, in-8. L'auteur a retrouvé de nombreux documents et inventaires qui ne laissent subsister aucune obscurité sur le séjour des Augustines à Corbeil.

(2) Lors de l'ouverture du quai Bourgoin en 1840, cette impasse trouva un débouché sur la nouvelle voie et prit alors le nom de Petite rue Notre-Dame.

le marché, dont elles forment la limite actuelle en face de la halle

nouvelle.

Mais si la place dont nous nous occupons ici s'étendait ainsi en largeur, elle avait encore des progrès à accomplir pour atteindre en profondeur les limites que nous lui connaissons aujourd'hui. En face du grand pont sur la Seine, la place du Marché était terminée par une rangée de maisons dont l'alignement correspondrait à peu près à l'axe de la rue aux Tisseurs. Celle du milieu, appelée la maison Voclin, était devenue depuis 1805 la mairie de la ville; c'est à cette époque en effet qu'on avait tout à fait abandonné le très ancien Hôtel-de-ville de Corbeil, qui était situé place de l'Arquebuse, tout près de la porte St-Nicolas. Une ancienne tour, respectée par le propriétaire, en montre encore l'emplacement.

Derrière cette Mairie provisoire et jusqu'au rempart, il y avait, outre les jardins de l'ancien Prieuré de St-Jean, des rues et de nombreuses maisons. Une fois l'hospice attaqué, la pioche du démolisseur eut facilement raison de ces vieux bâtiments qui disparurent à leur tour; les limites de la place du Marché furent alors portées jusqu'à la rue des Remparts; c'est la place telle que nous la voyons aujourd'hui, largement ouverte, nivelée et aérée, et c'est afin de ne point laisser tomber dans l'oubli les établissements qui la couvraient jadis que nous avons cru bon d'en rappeler ici le souvenir.

Qu'était cet emplacement avant la fondation même de la ville? C'est ce qu'on ne saurait dire; il est certain cependant que ce lieu a été habité à une époque très reculée, car lors des travaux entrepris pour la démolition de l'hospice, qui était, on s'en souvient, l'ancien Prieuré de St-Jean, on dut faire, afin de niveler la place, des fouilles assez profondes pour arracher les fondations de la chapelle et, au cours de ce travail, les ouvriers découvrirent des cercueils en plâtre de l'époque Mérovingienne, qui contenaient encore des squelettes. Personne ne fut avisé, les cercueils furent brisés et jetés aux gravats avec les ossements qu'ils renfermaient. Ce ne fut que peu de temps après que l'on eut connaissance de cette découverte par les ouvriers qui y avaient pris part.

Sur la place du Marché se trouvait encore, tout près du corpsde-garde actuel, une antique auberge où souloit pendre pour enseigne la Coupe d'or. Pendant des siècles, cette auberge reçut les voyageurs et les habitants des environs qui apportaient leurs denrées

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