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dence, le mauvais goût augmente tous les jours, et dans cent ans les gens de lettres seront aussi loin des bons écrivains du siècle de Louis XIV, que les vers de l'abbé Pedrini sont loin de ceux du Tasse et de l'Arioste. Le pauvre M. de Voltaire va toujours, et son hyver est plus fleury que le printemps de tous nos autres poètes. Je vous envoye une petite pièce de vers qu'il vient de faire, et qui porte à 80 ans toute la fraîcheur et les grâces d'une muse de vingt ans.

Vers de M. DE VOLTAIRE à Madame DU DEffand.

Eh quoi! vous êtes étonnée

Qu'au bout de quatre-vingts hivers,

Ma muse faible et surannée

Puisse encor fredonner des vers!

Quelquefois un peu de verdure

Rit sous les glaçons de nos champs;
Elle console la nature,

Mais elle est sèche en peu de temps.

Un oiseau peut se faire entendre
Après la saison des beaux jours;
Mais sa voix n'a plus rien de tendre:
Il ne chante plus ses amours.

Ainsi je touche encor ma lyre,
Qui n'obéit plus à mes doigts;
Ainsi j'essaie encor ma voix

Au moment même qu'elle expire.

« Je veux dans mes derniers adieux,
Disait Tibulle à son amante,
Attacher mes yeux sur tes yeux,
Te presser de ma main mourante. »

Mais quand on sent qu'on va passer,
Quand l'âme fuit avec la vie,
A-t-on des yeux pour voir Délie,
Et des mains pour la caresser?

Dans ces moments chacun oublie
Tout ce qu'il a fait en santé,
Quel mortel s'est jamais flatté
D'un rendez-vous à l'agonie?

Délie elle-même à son tour,
S'en va dans la vie éternelle,
En oubliant qu'elle fut belle,
Et qu'elle vécut pour l'amour.

Nous naissons, nous vivons, bergère,
Nous mourons sans savoir comment,
Chacun est parti du néant :

Où va-t-il ? Dieu le sait, ma chère !

Qu'en dites-vous, M. le Comte, vous qui aimez les beaux vers? Ne trouvezvous pas dans ceux-ci toute l'harmonie, la douceur et l'élégance qui caractérisent les autres pièces fugitives de M. de Voltaire. Il y a à la fin un petit trait d'impiété, mais c'est le cachet qu'il met aujourd'huy à tous ses ouvrages. A propos d'impiété, voicy de jolis vers où il n'y en a point, puisqu'on demande pardon à Dieu de son péché.

Vers de M. DE LA FAYE à Madame la marquise DE GOntault.

C'étoit un jour de Fête-Dieu

Qu'aux grands Cordeliers, à la messe,

Je vis entrer en ce saint lieu,

Gontault, des amours la déesse.

Quoi qu'en suite priant d'un modeste maintien,

Elle semblât du Ciel méditer la conquête,

Pardonne-lui, grand Dieu, car le tort fut tout nien;
Un moment, j'oubliai de qui c'étoit la fête.

Je joins mes remerciemens, Monsieur le Comte, à ceux que ma voisine vous fait pour les beaux et nombreux saucissons que vous nous avez envoyés ; ils se sont trouvés excellemment bons, et M. Zanuzzi qui en a goûté vous en dira des nouvelles. Pour moi, je n'ose me livrer au plaisir que j'aurois à en manger parce que je crains toutes les choses salées. Adieu, Monsieur le Comte, conservez-moi, je vous prie, une petite place dans votre souvenir, et donnez-nous des nouvelles de votre santé. Croyez que l'éloignement n'a rien changé à l'attachement que je vous ai voué, et qu'en quelque temps que ce soit vous trouverez toujours en moi un serviteur toujours rempli d'estime pour vos talens, vos connoissances et vos belles qualités, de reconnoissance pour toutes vos bontés, de regret pour votre absence, d'empressement pour vous revoir et de tous les sentimens respectueux et sincères que vous méritez.

JABINEAU DE LA Voute.

A Monsieur d'Alembert, secrétaire perpétuel de l'Académie françoise.

Je sors de chez moi, Monsieur, pour avoir l'honneur de vous voir; si je n'ai pas le bonheur de vous rencontrer, je laisserai ma lettre. L'objet de ma visite est de vous présenter un exemplaire des Euvres de M. Colardeau. Recevez-le, je vous prie, Monsieur, non seulement comme un hommage rendu à l'Académie françoise, en la personne de son chef, mais comme un témoignage de mon res

pect et de mon estime pour vous. Je n'ai point à vous demander grâce pour l'auteur : le choix que vous aviez fait de lui prouve le cas que vous faisiez de sa personne et de ses ouvrages; mais je sollicite votre indulgence pour l'Editeur qui a fait de son mieux, mais qui croira n'avoir bien fait que quand il sçaura que vous en êtes content. Il manquera toujours à un ouvrage une vie de l'auteur, c'est à vous, Monsieur, qu'il faudra s'en prendre, si elle n'est pas aussi intéressante qu'elle l'auroit été, si vous aviez bien voulu prendre la peine de la faire (1). J'ai l'honneur d'être, avec le sentiment que je vous ai voué,

Monsieur,

Votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Ce 14 février 1779.

JABINEAU DE La Voute.

(1) Le poète Charles-Pierre Colardeau est né à Janville (Eure-et-Loir) en 1732. Il fut élu à l'Académie française au commencement de l'année 1776, et mourut à Paris le 7 avril de la même année avant qu'il eût été reçu. Ses œuvres ont été recueillies et publiées pour la première fois à Paris, en 1779, chez les libraires Ballard et Lejay, en 2 vol. in-8°, avec figures, par l'abbé Jabineau qui les a fait précéder d'une notice biographique sur l'auteur. Cette édition est recherchée des

curieux.

FÊTE

DONNÉE PAR MADAME LA DUCHESSE DE MAZARIN

A MESDAMES DE FRANCE

FILLES DE LOUIS XV

EN SON CHATEAU DE CHILLY, LE 13 SEPTEMBRE 1769

Un opuscule, paru récemment, donnait la relation d'une fête offerte au Dauphin et à la Dauphine, Louis XVI et Marie-Antoinette, dans le château de Chilly-Mazarin (1). Voici le récit d'une autre fête donnée l'année précédente par cette même duchesse de Mazarin (2) à Mesdames de France (3). Quoique moins importante, cette narration renferme encore quelques détails intéressants. Citons d'abord l'annonce de la fête que nous devons à l'obligeance de M. Patrice-Salin, l'érudit historien de Chilly-Mazarin, qui a bien voulu mettre ses notes à notre disposition, nous lui en exprimons ici notre vive gratitude. J. G.

13 SEPTEMBRE 1769. — Clôture de LA COMÉDIE FRANÇAISE POUR JOUER A CHILLY CHEZ La Duchesse de Mazarin, pour le SERVICE DE LA Cour, DEVANT MESDAMES DE FRANCE:

(1) Louis XVI et Marie-Antoinette à Chilly-Mazarın. Récit d'une fête qu'a offerte au Dauphin et à la Dauphine la Duchesse de Duras-Mazarin en son château de Chilly, par l'abbé Géhin, curé de Chilly-Mazarin. Versailles, 1895.

(2) Louise-Jeanne de Durfort de Duras, Duchesse de Mazarin, de la famille des Durfort de Duras, ducs et pairs de France, avait épousé Louis-Marie-Guy d'Aumont. Celui-ci avait hérité de son parent, Guy Paul-Jules, fils d'Hortense Mancini, la belle nièce du cardinal Mazarin, le titre de duc de Mazarin et le château de Chilly donné à Hortense Mancini lors de son mariage avec le marquis de la Meilleraie.

(3) Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie, filles de Louis XV et tantes du Dauphin qui fut plus tard Louis XVI.

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