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teuse pour moi, m'a valu la communication la plus franche de votre nouvelle Dissertation, encore manuscrite, celle à la suite de laquelle vous m'avez imposé amicalement l'obligation de parler, moi aussi, écrivain des moins connus parmi ceux qui se sont occupés de la Vie de notre Molière. A cette occasion, j'ai désiré connaître la personne en même tems que les écrits de M. Taschereau, qui m'a paru modeste autant qu'éclairé. Je l'ai loué et remercié d'avoir répondu avec tant de politesse, de mesure et de bon goût1 à vos deux premières dissertations sur le comte de Modène, Molière et sa femme.

Peut-être, après avoir tout lu et presque tout dit de part et d'autre, sommes-nous restés, vous et moi, comme il arrive presque toujours, chacun de notre avis et avec une égale bonne foi des deux côtés. Quoi qu'il en soit, je cède à l'invitation que vous me faites encore à présent de reparaître dans les débats, et je vais, pour la seconde fois, me constituer rapporteur dans la question dont il s'agit.

Esprit de Raimond de Mormoiron (ou Mourmoiron), seigneur de Modène, fils aîné de François de Raimond de Mormoiron, baron de Modène, grand-prévôt de France, et de Catherine d'Alleman, naquit à Sarrians, dans le comté Vénaissin, le 19 novembre 1608, et mourut le 1er décembre 16722.

1. Lettre à M. le marquis de Fortia d'Urban, 1825, in-8°.

2. J'avais été induit en erreur par Pithon-Curt et d'autres autorités, lorsque j'ai dit dans mon article Modène qu'il était mort en janvier 1670.

Il s'était marié, 1° en 1630, avec Marguerite de la Baume, veuve de Henri de Beaumanoir, marquis de Lavardin, laquelle mourut peu de tems après avoir donné naissance, en 1630, à un fils nommé Gaston Jean-Baptiste, qui ne passa point l'âge de vingt ans.

2o Il épousa ensuite Madelène de l'Hermite de Souliers, fille de M. Jean-Baptiste de l'Hermite, gentilhomme ordinaire du roi, et de Marie Courtin de la Dehors.

Cette dernière (madame de l'Hermite) possédait dans le comté Vénaissin, un bien appelé la grange de la Souquette, qui avait appartenu à François de Raimond de Mormoiron.

Le comte de Modène n'eut point d'enfans de sa seconde femme. Il conçut de l'attachement pour Madelène Béjard, fille de Joseph Béjard qui, dans un acte, est qualifié écuyer, et dans un autre procureur. Il en eut une fille, qu'on a su nouvellement avoir été batisée le 11 juillet 1638, à la paroisse de Saint-Eustache de Paris, sous le seul nom de « Françoise, fille « de messire Esprit de Raymond, seigneur de Modène <«< et autres lieux, et de demoiselle Madelène Béjard. Le parrain, Jean-Baptiste de l'Hermite, écuyer, sieur de Vauselle, tenant lieu et place de messire Gaston Jean-Baptiste de Raymond, aussi chevalier, seigneur de Modène, son fils. La marraine, Marie Hervé, « femme de Joseph Béjard, écuyer, mère de l'ac<< couchée.

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En marge de cet acte est écrit: Françoise, illegitime. Jusqu'à la découverte de plusieurs actes, faite en 1821 par M. Beffara, la personne que Molière, né en 1622, épousa le 20 février 1662, avait été générale

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ment crue n'être autre que la fille illégitime, née en 1638, du comte de Modène et de Madelène Béjard. Mais on apprit tout à la fois par l'extrait des registres de naissance de la paroisse de Saint-Eustache qui vient d'être rapporté, que cette fille s'appelait Françoise; et, par un extrait des actes de mariage de la paroisse de Saint-Germain l'Auxerrois, que Jean-Baptiste Poquelin (Molière) avait épousé, en 1662, Armande-Grésinde Béjard, fille de feu Joseph Béjard et de Marie Hervé, en présence du père et du beau-frère du marié, de la mère, du frère, Louis Béjard, et de Madelène Béjard, sœur de la mariée, tous désignés clairement dans l'acte, et y ayant apposé leurs signatures.

De ces deux actes, M. Beffara avait conclu sans hésiter, dans sa Dissertation, qu'Armande Grésinde, femme de Molière, laquelle, dans aucun acte postérieur, n'a été appelée Françoise, était sœur et non fille de Madelène Béjard.

A cela, monsieur le marquis, vous avez opposé la tradition constante, soit de Paris, soit du comté Vénaissin, et la possibilité que le comte de Modène, ayant perdu son fils unique Gaston, mort jeune, et voulant assurer sa succession à quatre neveux, eût cherché le moyen d'exclure de toute prétention à sa fortune sa fille naturelle, Françoise. Dans ce but, non-seulement celle-ci, en épousant l'homme célèbre que sa femme devait un jour rendre malheureux, aurait quitté son seul nom de batême pour en prendre d'autres '; mais

1. Pourquoi, dans la métamorphose que vous supposez, donner

encore madame Béjard (Marie Hervé), devenue veuve, aurait reconnu pour sa fille l'épouse de Molière, dont elle était en réalité l'aïeule et la marraine, et non la mère. Enfin, deux des enfans de cette Marie Hervé, femme Béjard (dont un des deux était Madelène Béjard)' se seraient aussi prêtés, de concert avec le père et le beau-frère de Molière, à une supposition d'état, à ce qu'il faudrait bien, en ce cas, appeler un faux matériel, un faux rédigé et signé en présence d'un prêtre, lequel, par conséquent, en aurait été complice, sans toutefois y mettre lui-même son nom. Le faux aurait consisté surtout dans l'addition du nom de Béjard, qui certes ne pouvait appartenir à l'enfant né le 3 juillet 1638.

Au surplus, en établissant que le comte de Modène avait voulu faire disparaître légalement sa fille illégitime, dont on pouvait cependant toujours lui représenter l'acte de batême, vous n'avez point attaqué la validité d'un autre acte de même nature, en date du 4 août 1665, et dans lequel le même monsieur de Modène était intervenu comme parrain d'Esprite Madelène,

quatre noms à l'épouse, et ne pas conserver celui de Françoise? Il est aussi bon qu'un autre, et je vous prie d'observer que dans ses oublis, ou confusions de quatre noms, il ne lui est pas arrivé une seule fois de se désigner comme Françoise.

1. Dans cette transformation de Françoise, fille illégitime, en Armande-Grésinde-Claire-Élizabeth, née d'un légitime mariage, transformation voulue, selon vous, par le comte de Modène, consentie par deux membres de la famille Béjard, et sanctionnée par deux membres de la famille Molière, comment aurait-on fait intervenir Madelène pour déclarer que sa fille était devenue sa sœur ? Tout autre témoin aurait été aussi bon.

fille de Molière et d'Armande Grésinde sa femme, laquelle fille épousa par la suite Claude Rachel, écuyer, sieur de Montalant, et mourut sans postérité.

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On y lit : « Le parrain messire Esprit de Rémon', marquis de Modène; la marraine Madelène Béjard, fille de Joseph Béjard, vivant procureur. »

Ce mot vivant, observe M. Beffara, indique qu'en 1665, Joseph Béjard était mort; il l'était même dès 1662. Donc, suivant les déductions tirées des deux actes que j'ai rappelés, c'étaient les père et mère de cette Françoise (qu'on a prétendu s'être mariés secrètement) qui tenaient sur les fonts de batême la fille de Molière.

En récapitulant, Armande Grésinde fut mariée en.

(Elle avait été inscrite cette même année,
pour la première fois, sur le rôle des ac-
teurs de la Comédie française.)

1662

Son premier enfant, tenu par Louis XIV et la duchesse d'Orléans, avec désignation précise des noms de la mère, ainsi que du père, naquit en 1664

1. Le nom de Raymond ou Raimond se trouve ainsi écrit (Remon) dans bien des actes et dans une lettre de madame Molière, dont il sera question plus tard.

Si la désignation du titre de marquis était exacte, je dirais qu'il est possible que le comte Esprit de Rémon de Modène ait pris le titre de marquis à la mort de son père. Cependant, en tête de son Histoire des révolutions de la ville et du royaume de Naples, imprimée en 1665, Paris, pour la première fois, on lit par le comte de Modène.

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