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le Vengeur, foudroyé par les Anglois, répétoit comme en concert le cri de Vive la république! en s'enfonçant dans la mer, et les chants d'une joie funèbre sembloient retentir encore du fond de l'abîme.

L'armée françoise ne connoissoit pas alors le pillage, et ses chefs marchoient quelquefois comme les plus simples soldats à la tête de leurs troupes, parce que l'argent leur manquoit pour acheter des chevaux dont ils auroient eu besoin. Dugommier, général en chef de l'armée des Pyrénées, à l'âge de soixante ans, partit de Paris à pied pour aller rejoindre ses troupes sur les frontières d'Espagne. Les hommes que la gloire des armes a tant illustrés depuis, se distinguoient aussi par leur désintéressement. Ils portoient sans rougir des habits usés par la guerre, et plus honorables cent fois que les broderies et les décorations de toute espèce dont, plus tard, on les a vus chamarrés.

Les républicains honnêtes, mêlés à des royalistes, résistèrent avec courage au gouvernement conventionnel, à Toulon, à Lyon, et dans quelques autres départemens. Ce parti fut appelé du nom de fédéralistes; mais je ne crois pas cependant que les girondins, ou leurs partisans, aient jamais conçu le projet d'établir un

gouvernement fédératif en France. Rien ne s'accorderoit plus mal avec le caractère de la nation, qu iaime l'éclat et le mouvement : il faut pour l'un et l'autre une ville qui soit le foyer des talens et des richesses de l'empire. On peut avoir raison de se plaindre de la corruption d'une capitale, et de tous les grands rassemblemens d'hommes en général : telle est la condition de l'espèce humaine; mais on ne sauroit guère ramener en France les esprits à la vertu que par les lumières et le besoin des suffrages, L'amour de la considération ou de la gloire, dans ses différens degrés, peut seul faire remonter graduellement de l'égoïsme à la conscience. D'ailleurs l'état politique et militaire des grandes monarchies qui environnent la France, exposeroit son indépendance, si l'on affoiblissoit sa force de réunion. Les girondins n'y ont point songé; mais, comme ils avoient beaucoup d'adhérens dans les provinces où l'on commençoit à acquérir des connoissances en politique, par , par le simple effet d'une représentation nationale, c'est dans les provinces que l'opposition aux tyrans factieux de Paris s'est

montrée.

C'est vers ce temps aussi qu'a commencé la guerre de la Vendée, et rien ne fait plus d'hon

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neur au parti royaliste que les essais de guerre civile qu'il fit alors. Le peuple de ces départemens sut résister à la convention et à ses successeurs pendant près de six années, ayant à sa tête des gentilshommes qui tiroient leurs plus grandes ressources de leur âme. Les républicains comme les royalistes ressentoient un profond respect pour ces guerriers citoyens: Lescure, La Roche-Jaquelein, Charette, etc., quelles que fussent leurs opinions, accomplissoient un devoir auquel tous les François dans ce temps pouvoient se croire tenus également. Le pays qui a été le théâtre de la guerre vendéenne est coupé par des haies, destinées à enclore les héritages. Ces haies paisibles servirent de boulevarts aux paysans devenus soldats; ils soutinrent un à un la lutte la plus dangereuse et la plus hardie. Les habitans de ces campagnes avoient beaucoup de vénération pour les prêtres, dont l'influence a fait du bien alors. Mais, dans un état où la liberté subsisteroit depuis long-temps, l'esprit public n'auroit besoin d'être excité que par les institutions politiques. Les Vendéens ont, il est vrai, demandé dans leur détresse quelques secours à l'Angleterre ; mais ce n'étoient que des auxiliai res, et non des maîtres qu'ils acceptoient : car

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leurs forces étoient de beaucoup supérieures à celles qu'ils empruntoient des étrangers. Ils n'ont donc point compromis l'indépendance de leur patrie. Aussi les chefs de la Vendée sont-ils considérés même par le parti contraire; ils s'expriment sur la révolution avec plus de mesure que les émigrés d'outre-Rhin. Les Vendéens s'étant battus, pour ainsi dire, corps à corps avec les François, ne se persuadent pas aisément que leurs adversaires n'aient été qu'une poignée de rebelles qu'un bataillon auroit pu faire rentrer dans le devoir; et, comme ils ont eu recours eux-mêmes à la puissance des opinions, ils savent ce qu'elles sont, et reconnoissent la nécessité de transiger avec elles.

Un problème encore reste à résoudre : c'est, comment il se peut que le gouvernement de 1793 et 1794 ait triomphé de tant d'ennemis. La coalition de l'Autriche, de la Prusse, de l'Espagne, de l'Angleterre, la guerre civile dans l'intérieur, la haine que la convention inspiroit à tout ce qui restoit encore d'hommes honnêtes hors des prisons, rien n'a diminué la résistance contre laquelle les étrangers ont vu leurs efforts se briser. Ce prodige ne peut s'expliquer que par le dévouement de la nation à sa propre cause. Un million d'hommes s'armè

rent pour repousser les forces des coalisés; le peuple étoit animé d'une fureur aussi fatale dans l'intérieur, qu'invincible au dehors. D'ailleurs l'abondance factice, mais inépuisable du papiermonnoie, le bas prix des denrées, l'humiliation des propriétaires qui en étoient réduits à se condamner extérieurement à la misère, tout faisoit croire aux gens de la classe ouvrière que le joug de la disparité des fortunes alloit enfin cesser de peser sur eux; cet espoir insensé doubloit les forces que la nature leur a données; et l'ordre social, dont le secret consiste dans la patience du grand nombre, parut tout à coup menacé. Mais l'esprit militaire, n'ayant pour but alors que la défense de la patrie, rendit le calme à la France en la couvrant de son bouclier. Cet esprit a suivi sa noble direction jusqu'au moment où, comme nous le verrons dans la suite, un homme a tourné, contre la liberté même, des légions sorties de terre pour la défendre.

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