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avoit une sorte de conséquence à fonder le crime sur l'impiété; c'est un hommage rendu à l'union intime des opinions religieuses avec la morale. Robespierre imagina de faire célébrer la fête de l'Être Suprême, se flattant sans doute de pouvoir appuyer son ascendant politique sur une religion arrangée à sa manière, ainsi que l'ont fait souvent ceux qui ont voulu s'emparer de l'autorité. Mais, à la procession de cette fête impie, il s'avisa de passer le premier, pour s'arroger la prééminence sur ses collègues,. et dès lors il fut perdu. L'esprit du moment et les moyens personnels de l'homme ne se prêtoient point à cette entreprise. D'ailleurs, on savoit qu'il ne connoissoit d'autre manière d'écarter ses concurrens, que de les faire périr par le tribunal révolutionnaire, qui donnoit au meurtre un air de légalité. Les collègues de Robespierre, non moins abominables que lui, Collot-d'Herbois, Billaud-Varennes, l'attaquèrent pour se sauver eux-mêmes : l'horreur du crime ne leur inspira point cette résolution; ils pensoient à tuer un homme, mais non à changer de gouvernement.

du

Il n'en étoit pas ainsi de Tallien, l'homme 9 thermidor, ni de Barras, chef de la force armée ce jour-là, ni de plusieurs autres con

ventionnels qui se réunirent à eux contre Robespierre. Ils voulurent, en le renversant, briser du même coup le sceptre de la terreur. On vit donc cet homme qui avoit signé pendant plus d'une année un nombre inouï d'arrêts de mort, couché tout sanglant sur la table même où il apposoit son nom à ses sentences funestes. Sa mâchoire étoit brisée d'un coup de pistolet, il ne pouvoit pas même parler pour se défendre : lui qui avoit tant parlé pour proscrire! Ne diroit-on pas que la justice divine ne dédaigne pas, en punissant, de frapper l'imagination des hommes par toutes les circonstances qui peuvent le plus agir sur elle!

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De l'état des esprits au moment où la république directoriale s'est établie en France.

Le règne de la terreur doit être uniquement attribué aux principes de la tyrannie; on les y retrouve tout entiers. Les formes populaires adoptées par ce gouvernement n'étoient qu'une sorte de cérémonial qui convenoit à ces despotes farouches; mais les membres du comité de salut public professoient à la tribune même le code du machiavélisme, c'est-à-dire, le pouvoir fondé sur l'avilissement des hommes; ils avoient seulement soin de traduire en termes nouveaux ces vieilles maximes. La liberté de la presse leur étoit bien plus odieuse encore qu'aux anciens états féodaux ou théocratiques; ils n'accordoient aucune garantie aux accusés, ni par les lois, ni par les juges. L'arbitraire sans bornes étoit leur doctrine; il leur suffisoit de donner pour prétexte à toutes les violences le nom propre de leur gouvernement, le salut public funeste expression, qui renferme le sacrifice de la morale à ce qu'on est convenu

TOME II.

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d'appeler l'intérêt de l'état, c'est-à-dire, aux pas sions de ceux qui gouvernent!

Depuis la chute de Robespierre jusqu'à l'établissement du gouvernement républicain sous la forme d'un directoire, il y a eu un intervalle d'environ quinze mois qu'on peut considérer comme la véritable époque de l'anarchie en France. Rien ne ressemble moins à la terreur que ce temps, quoiqu'il se soit encore commis bien des crimes alors. On n'avoit point renoncé au funeste héritage des lois de Robespierre; mais la liberté de la presse commençoit à renaître, et la vérité avec elle. Le vœu général étoit de fonder des institutions sages et libres, et de se débarrasser des hommes qui avoient gouverné pendant le règne du sang. Toutefois rien n'étoit si difficile que de satisfaire à ce double désir; car la convention tenoit encore l'autorité dans ses mains, et beaucoup d'amis de la liberté craignoient que la contre-révolution n'eût lieu, si l'on ôtoit le pouvoir à ceux dont la vie étoit compromise par le rétablissement de l'ancien régime. C'est une pauvre garantie, cependant, que celle des forfaits qu'on a commis au nom de la liberté; il s'ensuit bien qu'on redoute le retour des hommes qu'on a fait souffrir; mais on est tout prêt

à sacrifier ses principes à sa sûreté, si l'occa sión s'en présente.

que

Ce fut donc un grand malheur pour la France

d'être obligée de remettre la république entre les mains des conventionnels. Quelques-uns étoient doués d'une grande habileté, mais ceux qui avoient participé au gouvernement de la terreur devoient nécessairement y avoir contracté des habitudes serviles et tyranniques tout ensemble. C'est dans cette école que Bonaparte a pris plusieurs des hommes qui, depuis, ont fondé sa puissance; comme ils cherchoient avant tout un abri, ils n'étoient rassurés que par le despotisme.

La majorité de la convention vouloit punir quelques-uns des députés les plus atroces qui l'avoient opprimée; mais elle traçoit la liste des coupables d'une main tremblante, craignant toujours qu'on ne pût l'accuser elle-même des lois qui avoient servi de justification ou de prétexte à tous les crimes. Le parti royaliste envoyoit des agens au dehors, et trouvoit des partisans dans l'intérieur, par l'irritation même qu'excitoit la durée du pouvoir conventionnel. Néanmoins, la crainte de perdre tous avantages de la révolution rattachoit le peuple et les soldats à l'autorité existante. L'ar

les

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