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royaliste, ne consultèrent nullement l'opinion du pays, et de cette erreur sont nés les obstacles qu'ils ont rencontrés pendant long-temps dans leurs combinaisons politiques. Le ministère anglois devoit, plus que tout autre gouvernement de l'Europe, comprendre l'histoire de la révolution de France, si semblable à celle d'Angleterre: mais l'on diroit qu'à cause de l'analogie même, il vouloit s'en montrer d'autant plus l'ennemi.

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CHAPITRE XXII.

Deux prédictions singulières tirées de l'Histoire de la révolution par M. Necker.

M. NECKER n'a jamais publié un livre politique sans braver un danger quelconque, soit pour sa fortune, soit pour lui-même. Les circonstances dans lesquelles il a fait paroître son histoire de la révolution, pouvoient l'exposer à tant de chances funestes, que je fis beaucoup d'efforts pour l'en empêcher. Il étoit inscrit sur la liste des émigrés, c'est-à-dire, soumis à la peine de mort d'après les lois françoises, et déjà l'on répandoit de toutes parts que le directoire avoit l'intention de faire une invasion en Suisse. Néanmoins il publia, vers la fin de l'année 1796, un ouvrage sur la révolution, en quatre volumes, dans lequel il présenta les vérités les plus hardies. Il n'y mit d'autre ménagement que celui de se placer à la distance de la postérité pour juger les hommes et les choses. Il joignit à cette histoire, pleine de chaleur, de sarcasme et de raison, l'analyse des principales constitutions libres de l'Europe; et l'on seroit

vraiment découragé d'écrire, en lisant ce livre, où toutes les questions sont approfondies, si l'on ne se disoit pas que dix-huit années de plus, et une manière de sentir individuelle, peuvent ajouter encore quelques idées au même système.

Deux prédictions bien extraordinaires doivent être signalées dans cet ouvrage ; l'une annonce la lutte du directoire avec le corps représentatif, qui eut lieu quelque temps après, et qui fut amenée, ainsi que M. Necker l'annonçoit, par les prérogatives constitutionnelles qui manquoient au pouvoir exécutif.

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« La disposition essentielle de la constitu» tion républicaine donnée à la France en 1795, >> dit-il, la disposition capitale et qui peut mettre » en péril l'ordre ou la liberté, c'est la séparation complète et absolue des deux autorités pre» mières; l'une qui fait les lois, l'autre qui dirige » et surveille leur exécution. On avoit réunì, >> confondu tous les pouvoirs dans l'organisa» tion monstrueuse de la convention nationale, » et par un autre extrême, moins dangereux »sans doute, on n'a voulu conserver entre eux » aucune des affinités que le bien de l'état exige. >> On s'est alors ressaisi tout à coup des maximes » écrites; et, sur la foi d'un petit nombre d'in

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» stituteurs politiques, on a cru qu'on ne pou» voit établir une trop forte barrière entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Rappelons d'abord que les instructions tirées de l'exemple nous donnent un résultat bien dif» férent. On ne connoît aucune république où >> les deux pouvoirs dont je viens de parler ne >> soient entremêlés dans une certaine mesure; » et les temps anciens, comme les temps mo» dernes, nous offrent le même tableau. Quelquefois un sénat, dépositaire de l'autorité exé>>cutive, propose les lois à un conseil plus étendu, ou à la masse entière des citoyens; et quelquefois aussi ce sénat, exerçant dans un >> sens inverse son droit d'association au pouvoir législatif, suspend ou révise les décrets du grand nombre. Le gouvernement libre de l'Angleterre est fondé sur les mêmes princi» pes, et le monarque y concourt aux lois par >> sa sanction et par l'assistance ordinaire de ses >> ministres aux deux chambres du parlement. >> Enfin, l'Amérique a donné un droit de réjec>>tion mitigé au président du congrès, à ce chef » de l'état, qu'elle a investi de l'autorité exécu>>tive; et dans le même temps elle a mis en part de cette autorité l'une des deux sections

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» La constitution républicaine de la France » est le premier modèle, ou plutôt le premier >> essai d'une séparation absolue entre les deux pouvoirs suprêmes.

» L'autorité exécutive agira toujours seule et >> sans aucune inspection habituelle de la part » de l'autorité législative; et, en revanche, au>>> cun assentiment de la part de l'autorité exé>>cutive ne sera nécessaire à la plénitude des >> lois. Enfin, les deux pouvoirs n'auront pour >> lien politique que des adresses exhortatives, » et ils ne communiqueront ensemble que par » des envoyés ordinaires et extraordinaires.

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>> Une organisation si nouvelle ne doit - elle >> pas entraîner des inconvéniens? ne doit - elle >> pas, un jour à venir, exposer à de grands dan» gers?

» Supposons en effet que le choix des cinq >> directeurs tombe, en tout ou en partie, sur >> des hommes d'un caractère foible ou incertain, » quelle considération pourront - ils conserver >> en paroissant tout-à-fait séparés du corps législatif, et de simples machines obéis>> santes?

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» Que si, au contraire, les cinq directeurs élus » se trouvoient des hommes vigoureux, hardis, >> entreprenans et parfaitement unis entre eux,

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