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>> le moment arriveroit où l'on regretteroit peut» être l'isolement de ces chefs exécutifs, où l'on » voudroit que la constitution les eût mis dans » la nécessité d'agir en présence d'une section » du corps législatif, et de concert avec elle. Le » moment arriveroit où l'on se repentiroit peut» être d'avoir laissé, par la constitution même, » un champ libre aux premières suggestions de » leur ambition, aux premiers essais de leur >> despotisme. >>

Ces directeurs hardis et entreprenans se sont trouvés ; et, comme il ne leur étoit pas permis de dissoudre le corps législatif, ils ont employé des grenadiers à la place du droit légal que la constitution devoit leur donner. Rien ne présageoit encore cette crise quand M. Necker l'a prédite; mais, ce qui est plus étonnant, c'est qu'il a pressenti la tyrannie militaire qui devoit résulterde la crise même qu'il annonçoit en 1796.

Dans une autre partie de son ouvrage, M. Necker, en mêlant sans cesse l'éloquence au raisonnement, rend la politique populaire. Il suppose un discours de saint Louis, adressé à la nation françoise, et vraiment admirable; il faut le lire tout entier, car il y a un charme et une pensée dans chaque parole. Toutefois, l'objet principal de cette fiction, c'est de se figurer un prince

qui dans son illustre vie s'est montré capable d'un dévouement héroïque, déclarant à la nation jadis soumise à ses aïeux, qu'il ne veut pas troubler par la guerre intestine les efforts qu'elle fait maintenant pour obtenir la liberté, même républicaine, mais qu'au moment où les circonstances tromperoient son espoir, et la livreroient au despotisme, il viendroit aider ses anciens sujets à s'affranchir de l'oppression d'un tyran.

Quelle vue perçante dans l'avenir et dans l'enchaînement des causes et des effets ne fautpas, pour avoir formé une telle conjecture sous le directoire, il y a vingt ans !

il

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Les deux grandes armées de la république, celles du Rhin et de l'Italie, furent presque constamment victorieuses jusqu'au traité de CampoFormio, qui suspendit pendant quelques instans la longue guerre continentale. L'armée du Rhin, dont le général Moreau étoit le chef, avoit conservé toute la simplicité républicaine; l'armée d'Italie, commandée par le général Bonaparte, éblouissoit par ses conquêtes, mais elle s'écartoit chaque jour davantage de l'esprit patriotique qui avoit animé jusqu'alors les armées françoises. L'intérêt personnel prenoit la place de l'amour de la patrie, et l'attachement à un homme l'emportoit sur le dévouement à la liberté. Bientôt aussi les généraux de l'armée d'Italie commencèrent à s'enrichir, ce qui diminua d'autant leur enthousiasme pour les principes austères, sans lesquels un état libre ne sauroit subsister.

Le général Bernadotte, dont j'aurai l'occasion de parler dans la suite, vint, à la tête d'une division de l'armée du Rhin, se joindre à l'armée

d'Italie. Il y avoit une sorte de contraste entre la noble pauvreté des uns, et la richesse irrégulière des autres ; ils ne se ressembloient que par la bravoure. L'armée d'Italie étoit celle de Bonaparte, l'armée du Rhin celle de la république françoise. Toutefois rien ne fut si brillant que la conquête rapide de l'Italie. Sans doute, le désir qu'ont eu de tout temps les Italiens éclairés de se réunir en un seul état, et d'avoir assez de force nationale pour ne plus rien craindre ni rien espérer des étrangers, contribua beaucoup à favoriser les progrès du général Bonaparte. C'est au cri de vivé l'Italie qu'il a passé le pont de Lodi, et c'est à l'espoir de l'indépendance qu'il dut l'accueil des Italiens. Mais les victoires qui soumettoient à la France des pays au-delà de ses limites naturelles, loin de favoriser sa liberté, l'exposoient au danger du

taire.

gouvernement mili

On parloit déjà beaucoup à Paris du général Bonaparte; la supériorité de son esprit en affaires, jointe à l'éclat de ses talens comme général, donnoit à son nom une importance que jamais un individu quelconque n'avoit acquise depuis le commencement de la révolution. Mais, bien qu'il parlât sans cesse de la république dans ses proclamations, les hommes attentifs s'aper

cevoient qu'elle étoit à ses yeux un moyen et non un but. Il en fut ainsi pour lui de toutes les choses et de tous les hommes. Le bruit se répandit qu'il vouloit se faire roi de Lombardie. Un jour je rencontrai le général Augereau qui venoit d'Italie, et qu'on citoit, je crois alors avec raison, comme un républicain zélé. Je lui demandai s'il étoit vrai que le général Bonaparte songeât à se faire roi. « Non, assurément, répondit-il, c'est un jeune homme trop bien élevé >> pour cela. >>Cette singulière réponse étoit toutà-fait d'accord avec les idées du moment. Les républicains de bonne foi auroient regardé comme une dégradation pour un homme, quelque distingué qu'il fût, de vouloir faire tourner la révolution à son avantage personnel. Pourquoi ce sentiment n'a-t-il pas eu plus de force et de durée parmi les François!

Bonaparte s'arrêta dans sa marche sur Rome en signant la paix de Tolentino, et c'est alors qu'il obtint la cession des superbes monumens des arts qu'on a vus long-temps réunis dans le Musée de Paris. La véritable place de ces chefsd'œuvre étoit sans doute en Italie, et l'imagination les y regrettoit: mais de tous les illustres prisonniers ce sont ceux auxquels les François avoient raison d'attacher le plus de prix.

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