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ses fondemens, de mettre à la tête des attaquans ceux qui ne possédoient rien dans l'édifice que l'on vouloit renverser. L'une des premières propositions que le trio démagogue fit à la tribune, ce fut de supprimer l'appellation d'honorable membre, dont on avoit coutume de se servir comme en Angleterre ; ils sentirent que ce titre, adressé à qui que ce fût d'entre eux, ne pourroit jamais passer que pour une ironie.

Un second parti, d'une tout autre valeur, donnoit de la force à ces hommes sans moyens, et se flattoit, bien à tort, de pouvoir se servír des jacobins d'abord, et de les contenir ensuite. La députation de la Gironde étoit composée d'une vingtaine d'avocats, nés à Bordeaux et dans le midi ces hommes, choisis presque au hasard, se trouvèrent doués des plus grands talens; tant cette France renferme dans son sein d'hommes distingués, mais inconnus, que le gouvernement représentatif met en évidence! Les girondins voulurent la république, et ne parvinrent qu'à renverser la monarchie; ils périrent peu de temps après, en essayant de sauver la France et son roi. Aussi M. de Lally a-t-il dit, avec son éloquence accoutu

mée, que leur existence et leur mort furent également funestes à la patrie.

A ces députés de la Gironde se joignirent Brissot, écrivain désordonné dans ses principes comme dans son style, et Condorcet, dont les hautes lumières ne sauroient être contestées, mais qui cependant a joué, dans la politique, un plus grand rôle par ses passions que par ses idées. Il étoit irréligieux, comme les prêtres sont fanatiques, avec de la haine, de la persévérance, et l'apparence du calme : sa mort aussi tint du martyre.

On ne peut considérer comme un crime la préférence accordée à la république sur toute autre forme de gouvernement, si des forfaits ne sont pas nécessaires pour l'établir; mais, à l'époque où l'assemblée législative se déclara l'ennemie du reste de royauté qui subsistoit encore en France, les sentimens véritablement républicains, c'est-à-dire, la générosité envers les foibles, l'horreur des mesures arbitraires, le respect pour la justice, toutes les vertus enfin, dont les amis de la liberté s'honorent, portoient à s'intéresser à la monarchie consti▾ tutionnelle et à son chef. Dans une autre époque, on auroit pu se rallier à la république, si elle avoit été possible en France; mais lorsque

Louis XVI vivoit encore, lorsque la nation avoit reçu ses sermens, et qu'en retour elle lui en avoit prêté de parfaitement libres, lorsque l'ascendant politique des privilégiés étoit entièrement anéanti, quelle assurance dans l'avenir ne falloit-il pas pour risquer, en faveur d'un nom, tout ce qu'on possédoit déjà de biens réels!

L'ambition du pouvoir se mêloit à l'enthousiasme des principes chez les républicains de 1792, et quelques-uns d'entre eux offrirent de maintenir la royauté, si toutes les places du ministère étoient données à leurs amis. Dans ce cas seulement, disoient-ils, nous serons sûrs que les opinions des patriotes triompheront. C'est une chose fort importante, sans doute, que le choix des ministres dans une monarchie constitutionnelle, et le roi fit souvent la faute d'en nommer de très-suspects au parti de la liberté; mais il n'étoit que trop facile alors. d'obtenir leur renvoi, et la responsabilité des événemens politiques doit pesér toute entière sur l'assemblée législative. Aucun argument, aucune inquiétude n'étoient écoutés par ses chefs; ils répondoient aux observations de la sagesse, et de la et de la sagesse désintéressée, par un sourire moqueur, symptôme de l'aridité qui

résulte de l'amour-propre : on s'épuisoit à leur rappeler les circonstances, et à leur en déduire les causes; on passoit tour à tour de la théorie à l'expérience et de l'expérience à la théorie, pour leur en montrer l'identité; et, s'ils consentoient à répondre, ils nioient les faits les plus authentiques, et combattoient les observations les plus évidentes, en y opposant quelques maximes communes, bien qu'exprimées avec éloquence. Ils se regardoient entre eux, comme s'ils avoient été seuls dignes de s'entendre, et s'encourageoient par l'idée que tout étoit pusillanimité dans la résistance à leur manière de voir. Tels sont les signes de l'esprit de parti chez les François : le dédain pour leurs adversaires en est la base, et le dédain s'oppose toujours à la connoissance de la vérité; les girondins méprisèrent les constitutionnels jusqu'à ce qu'ils eussent fait descendre, sans le vouloir, la popularité dans les derniers rangs de la société ; ils se virent traités de têtes foibles à leur tour, par des caractères féroces; le trône qu'ils attaquoient leur servoit d'abri, et ce ne fut qu'après en avoir triomphé, qu'ils furent à découvert devant le peuple : les hommes, en révolution, ont souvent plus à craindre de leurs succès que de leurs revers.

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CHAPITRE IV.

Esprit des décrets de l'assemblée législative.

L'ASSEMBLÉE Constituante avoit fait plus de lois en deux ans que le parlement d'Angleterre en cinquante; mais au moins ces lois réformoient des abus et se fondoient sur des principes. L'assemblée législative ne rendit pas moins de décrets, quoique rien de vraiment utile ne restât plus à faire; mais l'esprit de faction inspira tout ce qu'elle appeloit des lois. Elle accusa les frères du roi, confisqua les biens des émigrés, et rendit contre les prêtres un décret de proscription dont les amis de la liberté devoient être encore plus révoltés que les bons catholiques, tant il étoit contraire à la philosophie et à l'équité! Quoi! dira-t-on, les émigrés et les prêtres n'étoient

ils

pas les ennemis de la révolution? Ce motif étoit suffisant pour ne pas élire députés de tels hommes, pour ne pas les appeler à la direction des affaires publiques; mais que deviendroit la société humaine, si, loin de ne s'appuyer que sur des principes immuables, l'on

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