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deviendroient déserts! Les agens des puissances absolues eux-mêmes, ne pouvant plus obtenir leurs subsides de ce pays sans crédit et sans patriotisme, regretteroient la liberté, qui pendant si long-temps du moins leur a prêté ses trésors.

que

Les malheurs de la révolution sont résultés de la résistance irréfléchie des privilégiés à ce que vouloient la raison et la force ; cette question est encore débatfue après vingt-sept années. Les dangers de la lutte sont moins grands, parce les partis sont plus affoiblis; mais l'issue en seroit la même. M. Necker dédaignoit le machiavélisme dans la politique, la charlatanerie dans les finances, et l'arbitraire dans le gouvernement. Il pensoit que la suprême habileté consiste à mettre la société en harmonie avec les lois silencieuses mais immuables, auxquelles la divinité a soumis la nature humaine. On peut l'attaquer sur ce terrain, car il s'y placeroit encore s'il vivoit.

Il ne se targuoit point du genre de talens qu'il faut pour être un factieux ou un despote; il avoit trop d'ordre dans l'esprit, et de paix dans l'âme, pour être propre à ces grandes irrégularités de la nature, qui dévorent le siècle et le pays dans lequel elles apparoissent. Mais, s'il fût

né Anglois, je dis avec orgueil qu'aucun ministre ne l'eût jamais surpassé, car il étoit plus ami de la liberté que M. Pitt, plus austère que M. Fox, et non moins éloquent, non moins énergique, non moins pénétré de la dignité de l'état que lord Chatham. Ah! que n'a-t-il pu, comme lui, prononcer ses dernières paroles dans le sénat de la patrie, au milieu d'une nation qui sait juger, qui sait être reconnoissante, et dont l'enthousiasme, loin d'être le présage de la servitude, est la récompense de la vertu !

Maintenant, retournons à l'examen du personnage politique le plus en contraste avec les principes que nous venons de retracer, et voyons si lui-même aussi, Bonaparte, ne doit pas servir à prouver la vérité de ces principes qui seuls auroient pu le maintenir en puissance, et conserver la gloire du nom françois.

CHAPITRE XI.

Bonaparte empereur. La contre-révolution faite par lui.

LORSQU'A la fin du dernier siècle, Bonaparte se mit à la tête du peuple françois, la nation entière souhaitoit un gouvernement libre et constitutionnel. Les nobles, depuis long-temps hors de France, n'aspiroient qu'à rentrer en paix dans leurs foyers; le clergé catholique réclamoit la tolérance; les guerriers républicains, ayant effacé par leurs exploits l'éclat des dictinctions nobiliaires, la race féodale des anciens conquérans respectoit les nouveaux vainqueurs, et la révolution étoit faite dans les esprits. L'Europe se résignoit à laisser à la France la barrière du Rhin et des Alpes, et il ne restoit qu'à garantir ces biens en réparant les maux que leur acquisition avoit entraînés. Mais Bonaparte conçut l'idée d'opérer la contre-révolution à son avantage, en ne conservant dans l'état, pour ainsi dire, aucune chose nouvelle que luimême. Il rétablit le trône, le clergé et la noblesse; une monarchie, comme l'a dit M. Pitt,

sans légitimité et sans limites; un clergé qui n'étoit que le prédicateur du despotisme; une noblesse composée des anciennes et des nouvelles familles, mais qui n'exerçoit aucune magistrature dans l'état, et ne servoit que de parure au pouvoir absolu.

Bonaparte ouvrit la porte aux anciens préjugés, se flattant de les arrêter juste au point de sa toute-puissance. On a beaucoup dit que, s'il avoit été modéré, il se seroit maintenu. Mais qu'entend-on par modéré ? S'il avoit établi sincèrement et dignement la constitution angloise en France, sans doute il seroit encore empereur. Ses victoires le créoient prince; il a fallu son amour de l'étiquette, son besoin de flatterie, les titres, les décorations et les chambellans pour faire reparoître en lui le parvenu. Mais quelque insensé que fût son système de conquête, dès qu'il étoit assez misérable d'âme pour ne voir de grandeur que dans le despotisme, peut-être ne pouvoit-il se passer de guerres continuelles; car que seroit-ce qu'un despote sans gloire militaire dans un pays tel

que

la France ? Pouvoit-on opprimer la nation. dans l'intérieur, sans lui donner au moins le funeste dédommagement de dominer ailleurs

son tour? Le fléau de l'espèce humaine, c'est

le pouvoir absolu, et tous les gouvernemens françois qui ont succédé à l'assemblée constituante ont péri pour avoir cédé à cette amorce sous un prétexte ou sous un autre.

Au moment où Bonaparte voulut se faire nommer empereur, il crut à la nécessité de rassurer, d'une part, les révolutionnaires sur la possibilité du retour des Bourbons; et de prouver de l'autre, aux royalistes, qu'en s'attachant à lui, ils rompoient sans retour avec l'ancienne dynastie. C'est pour remplir ce double but qu'il commit le meurtre d'un prince du sang, du duc d'Enghien. Il passa le Rubicon du crime, et de ce jour son malheur fut écrit sur le livre du destin,

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Un des machiavélistes de la cour de Bonaparte dit, à cette occasion, que cet assassinat étoit bien pis qu'un crime, puisque c'étoit une faute. J'ai, je l'avoue, un profond mépris pour tous ces politiques dont l'habileté consiste à se montrer supérieurs à la vertu. Qu'ils se montrent donc une fois supérieurs à l'égoïsme, cela sera plus rare et même plus habile!

Néanmoins ceux qui avoient blâmé le meurtre du duc d'Enghien, comme une mauvaise spéculation, eurent aussi raison même sous ce rapport. Les révolutionnaires et les royalistes,

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