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de Brennus étoit du même côté que l'or, pour faire pencher la balance : quelle terrible séduction! Néanmoins, les calculs de l'ambition et de l'avidité n'auroient pas suffi pour soumettre la France à Bonaparte; il faut quelque chose de grand pour remuer les masses, et c'étoit la gloire militaire qui enivroit la nation, tandis que les filets du despotisme étoient tendus par quelques hommes dont on ne sauroit assez signaler la bassesse et la corruption. Ils ont traité de chimère les principes constitutionnels, comme l'auroient pu faire les courtisans des vieux gouvernemens de l'Europe, dans les rangs desquels ils aspiroient à se placer. Mais le maî

tre,

ainsi que nous allons le voir, vouloit encore plus que la couronne de France, et ne s'en est pas tenu au despotisme bourgeois dont ses agens civils auroient souhaité qu'il se contentât chez lui, c'est-à-dire, chez nous.

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CHAPITRE XII.

De la conduite de Napoléon envers le continent européen.

DEUX plans de conduite très-différens s'offroient à Bonaparte, lorsqu'il se fit couronner empereur de France. Il pouvoit se borner à la barrière du Rhin et des Alpes que l'Europe ne lui disputoit plus après la bataille de Marengo, et rendre la France, ainsi agrandie, le plus puissant empire du monde. L'exemple de la liberté constitutionnelle en France auroit agi graduellement, mais avec certitude, le reste de l'Europe. On n'auroit plus entendu dire que la liberté ne peut convenir qu'à l'Angleterre, parce qu'elle est une ile; qu'à la Hollande, parce qu'elle est une plaine; qu'à la Suisse, , parce que c'est un pays de montagnes; et l'on auroit vu une monarchie continentale fleurir à l'ombre de la loi qui, après la religion dont elle émane, est ce qu'il y a de plus saint sur la terre.

Beaucoup d'hommes de génie ont épuisé tous leurs efforts pour faire un peu de bien,

pour laisser quelques traces de leurs institutions après eux. La destinée, prodigue envers Bonaparte, lui remit une nation de quarante millions d'hommes alors, une nation assez aimable pour influer sur l'esprit et les goûts européens. Un chef habile, à l'ouverture de ce siècle, auroit pu rendre la France heureuse et libre sans aucun effort, seulement avec quelques vertus, Napoléon est plus coupable encore pour le bien qu'il n'a pas fait, que pour les maux dont on l'accuse.

Enfin, si sa dévorante activité se trouvoit à l'étroit dans la plus belle des monarchies, si c'étoit un trop misérable sort pour un Corse, sous-lieutenant en 1790, de n'être qu'empereur de France, il falloit au moins qu'il soulevât l'Europe au nom de quelques avantages pour elle. Le rétablissement de la Pologne, l'indépendance de l'Italie, l'affranchissement de la Grèce, avoient de la grandeur : les peuples pouvoient s'intéresser à la renaissance des peuples. Mais falloit-il inonder la terre de sang pour que le prince Jérôme prît la place de l'électeur de Hesse, et pour que les Allemands fussent gouvernés par des administrateurs françois qui prenoient chez eux des fiefs dont ils savoient à peine prononcer les titres,

bien qu'ils les portassent, mais dont ils touchoient très-facilement les revenus dans toutes les langues? Pourquoi l'Allemagne se seroitelle soumise à l'influence françoise? Cette influence ne lui apportoit aucune lumière nouvelle, et n'établissoit chez elle d'autres institutions libérales que des contributions et des conscriptions encore plus fortes que toutes celles imposées par ses anciens maîtres. Il y avoit sans doute beaucoup de changemens raisonnables à faire dans les constitutions de l'Allemagne; tous les hommes éclairés le savoient, et pendant long-temps aussi ils s'étoient montrés favorables à la cause de la France, parce qu'ils en espéroient l'amélioration de leur sort. Mais, sans parler de la juste indignation que tout peuple doit ressentir à l'aspect des soldats étrangers sur son territoire, Bonaparte ne faisoit rien en Allemagne que dans le but d'y établir son pouvoir et celui de sa famille : une telle nation étoit-elle faite pour servir de piédestal à son égoïsme? L'Espagne aussi devoit repousser avec horreur les perfides moyens que Bonaparte employa pour l'asservir. Qu'offroitil donc aux empires qu'il vouloit subjuguer? Étoit-ce de la liberté? étoit-ce de la force? étoit-ce de la richesse? Non; c'étoit lui, tou

jours lui, dont il falloit se récréer en échange de tous les biens de ce monde.

Les Italiens, par l'espoir confus d'être enfin réunis en un seul état, les infortunés Polonois qui demandent à l'enfer aussi-bien qu'au ciel de redevenir une nation, étoient les seuls qui servissent volontairement l'empereur. Mais il avoit tellement en horreur l'amour de la liberté que, bien qu'il eût besoin de Polonois pour auxiliaires, il haïssoit en eux le noble enthousiasme qui les condamnoit à lui obéir. Cet homme, si habile dans l'art de dissimuler, ne pouvoit se servir même avec hypocrisie des sentimens patriotiques, dont il auroit pu tirer toutefois tant de ressources : c'étoit une arme qu'il ne savoit pas manier, et toujours il craignoit qu'elle n'éclatât dans sa main. A Posen, les députés polonois vinrent lui offrir leur fortune et leur vie pour rétablir la Pologne. Napoléon leur répondit avec cette voix sombre, et cette déclamation précipitée qu'on a remarquées en lui quand il se contraignoit, quelques paroles de liberté bien ou mal rédigées, mais qui lui coûtoient tellement, que c'étoit le seul mensonge qu'il ne pût prononcer avec son apparente bonhomie. Lors même que les applaudissemens du peuple étoient en sa faveur, le

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