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>> il étoit roi sans aucun ascendant; où il occu>> poit le trône sans jouir d'aucun respect; où » il sembloit en possession du droit de com» mander, sans avoir le moyen de se faire obéir; » où il étoit successivement, et selon le libre >> arbitre d'une seule assemblée délibérante, » tantôt un simple fonctionnaire public, et >> tantôt le représentant héréditaire de la na>>tion? Comment pourroit-on exiger d'un mo» narque, mis tout à coup dans les liens d'un » système politique aussi obscur que bizarre, » et finalement proscrit par les députés de la >> nation eux-mêmes; comment pourroit-on » exiger de lui d'être seul conséquent au milieu » de la variation continuelle des idées? Et ne » seroit-ce pas une injustice extrême de juger » un monarque sur tous ses projets, sur toutes » ses pensées dans le cours d'une révolution » tellement extraordinaire, qu'il auroit eu be>> soin d'être en accord parfait, non-seulement >> avec les choses connues, mais encore avec >> toutes celles dont on auroit vainement essayé >> de se former d'avance une juste idée ? »

M. Necker retrace ensuite dans son mémoire les bienfaits du règne de Louis XVI avant la révolution; les restes de la servitude abolis, la question préparatoire interdite, la corvée sup

primée, les administrations provinciales éta blies, les états généraux convoqués. « N'est>> pas Louis XVI, dit-il, qui, en s'occupant » sans cesse de l'amélioration des prisons et des >> hôpitaux, a porté les regards d'un père ten>>dre et d'un ami pitoyable dans les asiles de la » misère et dans les réduits de l'infortune ou de >> l'erreur? N'est-ce pas lui qui, seul peut-être » avec saint Louis, entre tous les chefs de l'em» pire françois, a donné le rare exemple de la

pureté des mœurs? Ne lui accordera-t-on pas » encore le mérite particulier d'avoir été reli

gieux sans superstition, et scrupuleux sans in>> tolérance? Et n'est-ce pas de lui qu'une partie >> des habitans de la France (les protestans) per» sécutés sous tant de règnes, ont reçu non>> seulement une sauvegarde légale, mais en>> core un état civil qui les admettoit au partage >> de tous les avantages de l'ordre social? Ces >> bienfaits sont dans le temps passé; mais la >>> vertu de la reconnoissance s'applique-t-elle à » d'autres époques, à d'autres portions de la >> vie?»

On est encore plus frappé du manque d'égards envers Louis XVI, dans le cours de son procès, que de sa condamnation même. Quand le président de la convention dit à celui qui fut

son roi : « Louis, vous pouvez vous asseoir!» on se sent plus d'indignation que lors même qu'on le voit accuser de forfaits qu'il n'avoit jamais commis. Il faut être sorti de la poussière pour ne pas respecter de longs souvenirs, surtout quand le malheur les consacre; et la vulgarité, jointe au crime, inspire autant de mépris que d'horreur. Aucun homme vraiment supérieur ne s'est fait remarquer parmi ceux qui ont entraîné la convention à condamner le roi; le flot populaire s'élevoit et s'abaissoit à de certains mots, à de certaines phrases, sans que le talent d'un orateur aussi éloquent que Vergniaud pût influer sur les esprits. Il est vrai la plupart des députés qui défendirent le roi dans la convention, se mirent sur un détestable terrain. Ils commencèrent par déclarer qu'il étoit coupable; l'un d'eux, entre autres, dit à la tribune que Louis XVI étoit un traître, mais que la nation devoit lui pardonner; et ils appeloient cela de la tactique d'assemblée ! Ils prétendoient qu'il falloit ménager l'opinion dominante, pour la modérer quand il en seroit temps. Comment, avec cette prudence cauteleuse, auroient-ils pu lutter contre leurs ennemis qui s'élançoient de toutes leurs forces sur la victime? En France, on capitule

que

toujours avec la majorité, lors même qu'on veut la combattre; et cette misérable adresse diminue certainement les moyens au lieu de les accroître. La puissance de la minorité ne peut consister que dans l'énergie de la conviction. Qu'est-ce que des foibles en nombre, qui sont foibles aussi en sentiment?

Saint-Just, après avoir cherché vainement des faits authentiques contre le roi, finit par s'écrier: «< Nul ne peut régner innocemment; >> et rien ne prouvoit mieux la nécessité de l'inviolabilité des rois que cette maxime, car il n'est point de monarque qui ne pût être accusé d'une manière quelconque, si l'on ne mettoit pas une barrière constitutionnelle autour de lui. Celle qui environnoit le trône de Louis XVI devoit être sacrée plus qu'aucune autre, puisqu'elle n'étoit pas sous-entendue comme ailleurs, mais solennellement garantie.

Les girondins vouloient sauver le roi; et, pour y parvenir, ils demandoient l'appel au peuple. Mais, en demandant cet appel, ils ne cessoient de se mettre en mesure avec les jacobins, en répétant continuellement que le roi méritoit la mort. C'étoit désintéresser entièrement de sa cause. Louis XVI, dit Biroteau, est déjà condamné dans mon coeur; mais je de

mande l'appel au peuple, afin qu'il soit condamné par lui. Les girondins avoient raison d'exiger un tribunal compétent, s'il pouvoit en exister un dans cette cause; mais combien n'auroient-ils pas produit plus d'effet, s'ils l'avoient réclamé en faveur d'un innocent, au lieu de l'invoquer pour un prétendu coupable? Les François, on ne sauroit trop le répéter, n'ont pas encore appris dans la carrière civile à être modérés quand ils sont forts, et hardis quand ils sont foibles; ils devroient transporter dans la politique toutes leurs vertus guerrières, les affaires en iroient mieux.

Ce qu'on a le plus de peine à concevoir dans cette terrible discussion de la convention nationale, c'est l'abondance de paroles que chacun prodiguoit dans une semblable circonstance. On s'attendoit surtout à trouver dans ceux qui vouloient la mort du roi, une fureur concentrée; mais montrer de l'esprit, mais faire des phrases quelle persistance de vanité dans une telle scène!

Thomas Payne étoit le plus violent des démocrates américains; cependant comme il n'y avoit point de calcul ni d'hypocrisie dans ses exagérations en politique, quand il fut question du jugement de Louis XVI, il donna le seul avis

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