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COURRIER RUSSE.

Moscou, 30 septembre v. s. 4860.

A Monsieur Aubry, directeur du Bulletin du Bouquiniste.

Monsieur,

Il parut en 1606, à Amsterdam, chez Corneille Nicolas, à l'enseigne du livre à escrire, une brochure portant le titre suivant: La légende de la vie et de la mort de Demetrius, dernier Grand Duc de Moscovie. Traduicte nouvellement l'an 1606. 31 p. in-8°. Cet ouvrage étant devenu une des plus grandes raretés bibliographiques, le prince Michel Obolenski le fit réimprimer en 1839, d'après un exemplaire qui se trouve à la bibliothèque des archives du ministère des affaires étrangères de Moscou, en ayant soin que la réimpression parût sous la même forme, avec la même orthographe, et les fautes d'impression qui se trouvent dans l'original.

Comme cette réimpression n'a été tirée qu'à un très-petit nombre d'exemplaires, sans jamais avoir été mise en vente, cet ouvrage est aujourd'hui d'une si extrême rareté, qu'il vaut bien la peine que je vous en donne une description aussi exacte que détaillée.

Après une introduction de xvi p. signée Prince Michel Obolenski, voici le titre que porte la réimpression: La Légende de la vie et de la mort de Demetrius l'imposteur, connu sous les noms de Grichka Otrépieff, Samozvanetz, Rastriga, ou Ljedmitri. Imprimé à Amsterdam en 1606. Réimprimé en 1839, Moscou, imprimerie de l'institut Lazareff. L'éditeur y a joint plusieurs dessins très-curieux, tous tirés de différents documents déposés en originaux aux archives du ministère des affaires étrangères de Moscou. Il a mis en tête du livre le portrait du secrétaire d'Etat Athanase Vlassieff, dont l'original se trouve dans la Kronika Sarmacyey Europskiey, imprimée en Cracovie en 1611; puis comme supplément de l'ouvrage se trouvent les dessins suivants: Une monnaie d'or de Demetrius l'imposteur, conservée au cabinet numismatique de l'Université de Moscou; le sceau et deux signatures de Demetrius, l'une en polonais, l'autre en russe; le grand sceau de l'État et la signature latine de Demetrius; le cachet de Demetrius et une seconde signature latine de lui; le sceau moyen de l'État; les armes de Marina Mnichek et sa signature en polonais.

Je serais embarrassé de dire par qui et en quelle langue cet ouvrage a été primitivement écrit ; il est positif que ce n'est pas en anglais, parce que l'édition anglaise conservée an British Museum, intitulée :

The reporte of a bloodie and terrible massacre arrived in the city of Mosco et récemment traduite par le prince A. Galitzin ne parut qu'en 1607, c'est-à-dire un an après la publication de la Légende de la vie de Demetrius, traduite en françois en 1606. En comparant ces deux ouvrages, il est évident que ce sont deux différentes traductions d'un même livre qu'il faut supposer avoir été écrit en allemand ou en hollandais, car voici ce que nous lisons dans la préface du prince Obolensky: « Sous le titre de La Légende de la vie et de la mort de Demetrius parut en 1606, à Amsterdam, la traduction d'une lettre qu'à cette époque écrivit de la Russie un marchand étranger, témoin de la mort de Demetrius l'imposteur. Ce marchand était sans doute de nation allemande, car il dit p. 17: La boucherie en eut ésté d'autant plus grande sans encore l'évident danger où nous autres marchands allemands et de toutes nations estrangères eussions esté précipitez. L'auteur de cette lettre ne serait-il pas Simon Mentchouk, dont il est fait mention dans les réponses que firent les ambassadeurs lithuaniens aux boyards de Moscou en 1608?»

A la p. 22 de la traduction du Récit du sanglant et terrible massacre arrivé dans la ville de Moscou en 1606, nous trouvons le même passage 'dans les termes suivants:.... « pour ne rien dire du danger qui aurait évidemment menacé nous autres négociants hollandois, ainsi que les étrangers en général. » Le prince Galitzin suppose l'ouvrage primitivement écrit par un négociant hollandais, témoin oculaire du sanglant massacre qu'il raconte, du nom d'Isaac Massa, qui a habité la Russie de 1601 à 1610, mais Adelung dans son ouvrage: Uebersicht der reisenden in Russland t. 11, p. 217, dit que Massa n'arriva en Russie qu'en 1609. La traduction russe de ce récit que mentionne le prince Galitzin nous est inconnue.

Agréez, monsieur, etc.

M. POLOUDENSKY.

LES SCEAUX DE L'ÉGLISE DE MARSEILLE AU MOYEN AGE, par L.-T. DASSY, O. M. I.. gravures sur bois représentant 34 sceaux inédits. Marseille, imprimerie Marius Olive, 1858, in-8, tiré à 100 exempl.

Marseille, malgré sa haute antiquité, est une ville de peu de renom archéologique. Il n'est point de ville de France plus pauvre en monuments, et le voyageur qui cherche les vestiges du passé s'indigne en voyant que la vieille cité phocéenne n'a pas même su garder son antique cathédrale de la Major, renversée en plein xixe siècle malgré le mouvement qui porte toutes les villes intelligentes à mettre en relief leurs richesses monumentales. Si l'évêque actuel de Marseille avait

suivi les bons conseils qui lui ont été donnés, il eût, tout en se faisant bâtir par l'État une cathédrale neuve, conservé l'antique église sanctifiée par ses prédécesseurs, et Marseille eût possédé deux églises au lieu d'un seul édifice de mérite discutable et sans intérêt historique.

Mais la vieille église de la Major est aujourd'hui anéantie et de son passé il ne reste plus que ses archives. Un des rares antiquaires marseillais, le R. P. Dassy, religieux oblat, correspondant du ministère de l'instruction publique pour les travaux historiques, a exploré ces archives à un point de vue intéressant, celui des sceaux attachés aux documents émanés des dignitaires ecclésiastiques. Les sceaux de l'église de Marseille, que le père Dassy a ainsi sauvés des atteintes du temps, sont tous inédits, car aucun des grands recueils de sigillographie ou sphragistique ne se sont occupés des sceaux ecclésiastiques de Marseille. Ce paléographe habile est parvenu à retrouver les sceaux de onze évêques, qu'il a fait graver ainsi que deux sceaux de la cour épiscopale. Viennent ensuite quatre sceaux communs du chapitre cathédral, les sceaux de trois prévôts du même chapitre et ceux d'Adalbert de Forcalquier et de Fredol, ouvriers du siége de Marseille, c'est-àdire chanoines chargés des travaux d'architecture. Deux sceaux communs de l'abbaye de Saint-Victor, et ceux de quatre des abbés et d'un prieur claustral de ce monastère fameux, sont également gravés avec les sceaux de cinq autres couvents.

Le travail du R. P. Dassy n'est pas une sèche monographie, car il ne s'est pas borné à décrire les sceaux par lui recueillis, il en a surtout ⚫ tiré d'excellents renseignements historiques. Sa critique savante a rectifié, à l'aide des fragiles monuments par lui étudiés, plus d'une erreur échappée aux précédents historiens de Marseille. Nous ne le suivrons pas sur ce terrain local, nous dirons seulement que sous une forme substantielle son écrit contient des observations que tous les paléographes feront bien de connaître. Sous ce rapport, les Sceaux de l'église de Marseille ont un intérêt général qui fera placer ce mince volume à côté des grands traités de diplomatique, et le rendera utile à consulter en même temps que les Éléments de paléographie de M. de Wailly et le Dictionnaire de sigillographie pratique de M. Chassant.

M. Dassy termine son travail « en applaudissant à l'heureuse réaction qui s'opère, depuis quelques années, dans la confection des sceaux ecclésiastiques et religieux. » Il importe, dit-il, aux ecclésiastiques et aux communautés de s'adresser à des ouvriers habiles, mais l'inexpérience des graveurs est grande. Sous ce nouveau rapport l'ouvrage du P. Dassy devrait être étudié par les artistes qui s'occupent de glyptique et de sigillographie (je ne sais pourquoi l'imprimeur du P. Dassy

a partout écrit sygillographie). Nos graveurs français ont perdu l'habitude d'exécuter des cachets à physionomie monumentale; ils ont oublié les grandes traditions de leurs prédécesseurs du moyen âge. L'Angleterre et l'Allemagne sont peut-être en avant dans cette branche de l'art je me rappelle d'avoir vu avec une vive satisfaction, dans une galerie peu fréquentée de l'exposition universelle de 1855, une vitrine toute pleine de beaux et grands cachets héraldiques dans le style du moyen âge allemand, gravés par un artiste de Munich, Thomas Birn. bock, dont je retrouve avec plaisir le nom dans mes notes. Ce graveur bavarois, avait orné ses ouvrages de belles légendes gothiques et de superbes cimiers à la manière d'Albert Durer.

Les sceaux ecclésiastiques ne seront pas les seuls décrits à Marseille; un des amis du R. P. Dassy consacre une étude spéciale au sceau communal de cette grande cité. Les sceaux municipaux peuvent, en effet, fournir le sujet de recherches piquantes ainsi que l'a bien montré M. Carlier en écrivant sa Notice historique sur le scel de la ville de Dunkerque.

Raymond BORDEAUX.

Correspondant de la Société de sphragistique.

LES ARRÊTS D'AMOUR DE MARTIAL D'AUVERGNE.
(Deuxième article. Voyez 93° Bulletin.)

Rien n'est à négliger dans ce livre; et les fantaisies de la mode. elles-mêmes, auxquelles il nous initie, méritent notre attention, parce qu'au-dessus de ces questions frivoles, l'observateur découvre une idée supérieure qui les domine de toute la hauteur d'un principe. Je n'en citerai qu'un exemple.

Le cinquième arrêt intervient entre deux galants revendiquant chacun à l'exclusion de l'autre a la possession et saisine des prérogatives d'amour, entre autres le droit de porter la botte fauve pour l'amour de sa dame. Quelle était la forme de cette chaussure dont l'usage nous est attesté par les auteurs du temps, notamment par Villon1 et par Rabelais ? Était-ce celle d'un brodequin ou toute autre? Ce détail historique paraît assez obscur, et je ne verrais qu'un médiocre intérêt à l'éclaircir; ce qui est hors de doute, c'est qu'on portait cette chaussure à un seul pied, et que pendant longtemps cette mode constitua au profit des hommes un privilége, au bénéfice duquel ils ne pouvaient

1 Le Grand Testament, 19e ballade.

• Liv. I, chap. xvi.

se soustraire sans manquer aux lois de la galanterie. Martial, qui mentionne cet usage dans l'arrêt que j'ai cité plus haut, nous montre, dans une autre décision de ces galants tribunaux, le même privilége étendu aux femmes. Le débat est « entre trois amoureux demandeurs plaidant contre trois belles dames défenderesses en cas de saisine et de nouvelleté. Lesdites dames, disent-ils, savaient bien que ce n'était pas chose licite ni honnête à femme de porter la botte fauve, mais appartenait mieux aux hommes qu'à elles.» Et sur quels motifs se fonde la prétention des demandeurs? Sur l'infériorité des femmes; sur la nécessité de maintenir les hommes « au-dessus d'elles, » et pour cela de leur permettre la jouissance « de grandes prérogatives que les dames n'ont pas 1. » On ne saurait donc s'y tromper; la force et le droit, la civilisation et la barbarie, le progrès et la routine sont ici en présence, et la victoire demeure à la galanterie, c'est-à-dire à l'élément civilisateur.

D

C'est ainsi que ce livre, œuvre purement imaginaire, reflète cependant à chacune de ses pages l'image fidèle des mœurs chevaleresques dont il nous montre l'influence civilisatrice sous la forme vivante des personnages qu'il met en scène ; voilà comment sous l'apparence d'un jeu d'esprit puéril, il sollicite le suffrage de ceux qui en demeurant les hommes de leur temps, ne dédaignent pas ces siècles d'enthousiasme, de foi naïve et de poétique imagination.

J. BONIFACE-DELCRO.

LA GALERIE DES PORTRAITS DE Mile DE MONTPENSIER, recueil des éloges des seigneurs et dames les plus illustres de France, la plupart composés par eux-mêmes. - Nouvelle édition, avec des notes par ED. de Barthélemy. Paris, Didier.

Voici, renfermé dans un seul volume, tout ce qui reste d'un genre de littérature qui passionna la cour de France pendant deux ans; genre curieux à bien des titres, et original en ceci surtout qu'il fut presque exclusivement cultivé par de hauts personnages et par de grandes dames; il a eu enfin cet immense mérite de fournir à La Bruyère la première idée de ses admirables Caractères. Pendant l'automne de 1657, la princesse de Tarente et mademoiselle de la Trémouille avaient eu la fantaisie de faire faire leurs portraits par écrit ; inutile de dire qu'elles s'étaient pour cela adressées à un ami. Elles montrèrent ces portraits à mademoiselle de Montpensier qui les trouva charmants, et voulut aussi avoir le sien; seulement, pour être sûre d'être traitée avec tous les égards qu'elle croyait mériter, elle le fit elle-même. De là naquit la mode des portraits. Ces petites composi↑ Arrét 53⚫.

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