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sion de faire passer sous ses yeux l'acte d'accusation d'abord et la preuve ensuite qu'il y a eu substitution de sens. M. Capart dit, p. 62 : « L'auteur affirme gravement que « si les Egyptiens avaient pris soin de nous dire << eux-mêmes de quel pays ils venaient, il serait aisé de le redire après <«<eux ». Faute de mieux on apprend p. 132 que le soleil se lève à l'Est en l'Egypte comme en Europe, et comme partout ailleurs »>; p. 210 que «< tous les éperviers sont éperviers dès l'œuf »; p. 236 que chacun de nous n'a ordinairement qu'un père »; p. 237 qu'un « enfant ne peut avoir qu'une seule naissance »; p. 239 que « nous n'avons pas à choisir entre ce qui n'existe pas »; p. 253 que « les vautours qui ont des mamelles pendantes et des cheveux épars sont chose rare, inouïe dans tous les climats » etc., etc. (p. 85). Voici ce qui a trait au premier passage: « Si les Egyptiens avaient pris soin de nous dire eux-mêmes de quel pays ils venaient, il serait aisé de le redire à présent; malheureusement pour nous ils n'ont jamais senti le besoin, à l'époque de leur pleine puissance, de s'interroger eux-mêmes sur leur propre origine et de nous faire savoir de quelle contrée ils croyaient être venus. « Il y a loin de ce passage à ce qu'a voulu me faire dire M. Capart et je ne vois pas, je l'avoue, que j'aie dépassé les bornes de la naïveté. Le second se présente ainsi : « Les Egyptiens, nous le savons pertinemment depuis l'observation qu'en a faite Chabas qui le premier le remarqua, s'orientaient vers le Sud et avaient l'Ouest à droite, d'où vient la valeur

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(droite) donnée au signe de l'Occident . D'où pouvait leur venir cette manière de s'orienter? Certainement elle ne provenait pas de raisons astronomiques, puisque le soleil se lève à l'Est en Egypte, comme en Europe et comme partout ailleurs. Pour moi la seule raison qui puisse entrer en ligne de compte, raison profonde qui plonge jusque dans les premiers souvenirs de la race égyptienne, c'est que, pour les Egyptiens comme pour nous, il y a raison de tradition lointaine, c'est qu'ils sont venus du Sud en Egypte, etc. ». Le lecteur verra ainsi par lui-même si faute de mieux j'ai voulu apprendre à M. Capart que le soleil se levait à l'Est en Egypte, comme en Europe et partout ailleurs.

Le troisième passage cité par mon critique se présente ainsi : « De là l'emploi d'images qui ne se comprennent pas autrement, mais qui sont admirablement dans la direction générale de l'idée, une fois ce substratum admis. Ainsi le roi est dit roi dès l'œuf, ou dès le nid, et ce mot ne doit pas se comprendre comme une figure, comme signifiant que le roi avait déjà la royauté lorsqu'il était dans le sein de sa mère

ou au berceau, mais absolument, comme les mots sonnent et avec l'idée qu'ils comportent au sens propre, car personne ne sera surpris qu'un épervier soit épervier dès qu'il est dans l'œuf, et, si ce titre appartient à tous les membres de la tribu des éperviers, comme, à mesure que la civilisation se dessinait et s'étendait, l'idée primitive se restreignait, cette idée finit par ne plus s'entendre que du roi, le chef de la tribu, etc. » Entre le sens de ces paroles et celui que leur a prêté M. Capart, il y a bien une nuance, et cette nuance n'est pas en sa faveur. P. 237 j'ex

plique que le titre d'Épervier du roi Amenemhat Ier, Do., doit s'in

terpréter comme l'expression copte oragem scr qui est exactement la même et qui signifie le baptême, c'est-à-dire celui qui renouvelle la naissance, à tel point que la naissance charnelle de l'enfant ne compte plus en face de sa naissance spirituelle, et j'ajoute : « De même aussi les mots doivent signifier qui renouvelle les naissances, et non pas la naissance, parce qu'il ne s'agit pas d'un enfant qui ne peut avoir qu'une seule naissance, mais de la nombreuse postérité de l'Epervier pour laquelle des naissances multiples ont été nécessaires ». A la page 236, j'explique les paroles: je suis les grains de tout Dieu et je dis: « Ces paroles peuvent s'entendre d'une double façon elles signifient que le défunt est issu de tout Dieu, ce qui ne donnerait aucun sens, car le Dieu, c'est le mort, et, si le défunt peut bien se dire le fils de son père mort, il ne peut pas se dire, même au style figuré, issu de tous les Dieux à la fois, chacun de nous n'ayant ordinairement qu'un père ou une seule lignée d'ancètres... » De même encore à la page 239, M. Ca part a oublié un mot : « Puisque », et ce seul mot suffit à donner un tout autre sens à la phrase qu'il cite, car il prouve que la pensée est générale et que je l'ai présentée comme telle. Avec de tels procédés il n'est pas douteux qu'on ne puisse perdre un homme; mais est-ce bien là un métier honnête?

A la page 253, j'explique une figure employée dans un texte de la pyramide de Pépi I, et je dis : « car les deux mères de Pépi sont deux vautours, et les vautours qui ont des mamelles pendantes et des cheveux épars sont chose rare, inouïe sous tous les climats; mais les femmes appartenant à la tribu des Vautours ou qui avaient eu le vautour pour totem particulier pouvaient être communes, et c'est d'elles qu'il s'agit dans ce passage, si le rédacteur a écrit pour dire quelque chose et s'il a enveloppé un sens précis sous des images qui ne nous semblent guère

à employer, mais qui sont d'un usage constant chez des sociétés primitives ». Enfin, et ce sera mon dernier exemple de la fidélité de M. Capart à me citer; p. 267, je dis : « Il se trouvera sans doute (en Egypte) d'autres stations royales, car l'étude de l'Egypte préménite est à peine commencée; mais nous ne pouvons faire état des trouvailles à venir et nous préoccuper d'arguments qui n'ont pas été mis au jour » ; la raison de la seconde partie de la phrase se trouve dans la première : la première étant supprimée, la seconde se présente avec un sens qu'elle n'a pas et qui lui donne un air de vérité de la Palice. En somme, par l'emploi d'une telle méthode, en tronquant mes phrases, en les présentant sans leur contexte obligé, M. Capart a montré qu'il entendait l'art de découper les phrases à son profit.

Il a poussé plus loin son œuvre et s'est flatté de me donner des leçons. A la page 84 de son article il écrit: « L'auteur dit modestement: comme l'ont montré avec une lumière aveuglante les travaux de M. de Morgan et les miens». Il s'agit de la question des silex en Egypte, et je dis « L'Egypte avait été longtemps regardée comme une exception à cette règle c'était à tort, comme l'ont montré avec une lumière aveuglante les travaux de M. de Morgan et les miens ». Ce n'est nullement ma faute, si j'ai été l'un des initiateurs de cette volte-face de la science au sujet des silex d'Egypte la démonstration faite par M. de Morgan et par moi à ce sujet a été vraiment si lumineuse que du coup l'opinion contraire ne s'est plus manifestée. J'ai peut-être quelque sujet d'être fier de cette partie de mon œuvre et je ne vois pas que, dans un ouvrage où il s'agit d'instruire mes lecteurs, j'aurais dû passer sous silence l'un de mes arguments et attribuer à M. de Morgan seulement un effet que nous avons été tous les deux à produire, d'autant mieux que j'ajoute et comme l'ont aussi montré d'autres travaux subséquents ». Je n'accepte donc pas la leçon de M. Capart, et je l'accepterais de lui moins que de tout autre.

J'ai souvenance en effet d'avoir jadis lu l'annonce d'un petit ouvrage de M. Capart sur les tombeaux de l'Ancien Empire, où l'on disait modestement que M. Capart avait été le seul à les comprendre. Tout dernièrement j'ai reçu un catalogue où un autre ouvrage du même auteur est ainsi annoncé Primitive art in Egypt. Translated by A. S. Griffith. An extraordinary amount of information on the condition of art and the culture in the Nile valley during the remote prehistoric age before of the earliest of the Pharaohs, introducing a new and varied world of interest to the general art reader, with much authoritative

RÉPONSE A M. CAPART

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matter for anthropologist and ethnologist, including sculpture and painting, ornamental and decorative art, personal adornment, dancing, music and poetry, etc., etc., with 203 excellently reproduced illustrations! ». Je me demande ce qu'aurait dit M. Capart, si j'avais parlé de mes ouvrages en termes si laudatifs. Évidemment, c'est de la haute, de la très haute modestie à laquelle nous ne sommes pas encore habitués en France.

L'une des raisons pour lesquelles M. Capart a publié cette diatribe c'est la situation que j'occupe à l'Ecole des Hautes Etudes, et la publication qui en a été faite dans la «< Bibliothèque de l'école ». Il ne s'explique pas sur les mobiles qui l'ont mû; il se trompe peut-être en croyant ces mobiles profondément cachés. En outre, il me semble avoir étrangement oublié le cas d'un conservateur de musée de sa connaissance, qui chargé de par ses fonctions mêmes de veiller à ce qu'aucun objet faux n'entrât dans son musée, y a accepté joyeusement un objet dont il a dû par après demander que la vente fût résiliée par voie de justice. Il me semble bien qu'avec un tel souvenir sur le cœur, il y faudrait réfléchir à deux fois avant de dénoncer ses confrères. M. Capart a bien peu de mémoire. Et puis en quoi ce qui se passe dans mon cours le regarde-t-il? Il a beaucoup mieux à faire chez lui, à se garder d'introduire des objets. faux dans une collection où il est chargé précisément du contraire, et où il l'a fait envers et contre tous, jusqu'au moment où on lui a fait signe de Berlin. C'est là un fait patent, public, professionnel au premier chef. D'ailleurs, si les intérêts de la science l'avaient seuls excité à juger mon volume, il aurait pris une autre méthode, il se serait gardé de s'attaquer à certaines questions, où je ne me commettrai pas à le suivre, car je pourrais y démontrer lumineusement encore qu'il s'est aussi lourdement trompé que sur ce que je viens de dire.

Je pourrais montrer en plus que M. Capart s'est trompé sur certaines orthographes, qu'il me reproche, sur certains mots qu'il n'a pas compris; je pourrais m'étonner de la manière dont il m'accuse de m'être gaussé d'Hérodote à propos des sources du Nil, de celle dont il me reproche d'avoir, de propos délibéré, dénigré un ouvrage de M. Erman, de Berlin, dans un accès de mauvaise humeur : ce sont là des procédés que je ne me permets jamais : je dis la vérité telle que je la crois voir et jamais je n'ai attaqué qui que ce soit ; je me suis seulement défendu. J'ai été dans ma vie scientifique attaqué quelquefois d'une manière

1) Librairie universitaire Gambier, cat. 76, p. 100, no 2453.

souterraine, indirecte, injuste; jamais je ne l'avais été par de telles manœuvres qui ont consisté à me faire dire le contraire de ce que j'ai dit, grâce à des découpures habiles. Ce qui m'étonne, c'est que M. Capart n'ait pas prévu que la facilité de son succès en serait la ruine, car je veux bien être critiqué sur ce que j'ai dit, mais non pas sur ce que je n'ai pas dit, sur ce qui est exactement le contraire de ce que j'ai écrit. La Hurlanderie, 14 décembre.

E. AMÉLINEAU.

M. J. Capart, à qui cette lettre a été communiquée par nous, nous adresse la réponse suivante :

« Vous avez l'obligeance de me communiquer la réponse de M. Amélineau à mon compte-rendu de ses Prolegomenes publié dans la Revue (t. LXVI, 1912, pp. 81-86) et vous me demandez si je désire y répliquer. Toute personne de bonne foi et de bon sens qui prendra la peine de lire le livre en question et qui se reportera ensuite à mon article jugera, sans que j'éprouve le besoin de plaider. J'ai cité les pages où se trouvent toutes les citations que je critiquais ; mon contradicteur aurait peine d'en faire autant pour les opinions qu'il m'attribue. Il y a mieux : on verra par exemple pp. 62, 210 et 236 que M. Amélineau ne sait pas même citer exactement les textes qu'il m'accuse d'avoir tronqués. Ce qu'il dit de l'annonce de mes publications est enfantin; je n'ai jamais écrit de petit ouvrage sur les tombeaux de l'ancien empire et quant à la traduction anglaise de mes « Débuts de l'Art en Égypte », quiconque comprend l'anglais verra que cette fameuse annonce ne contient pas un mot d'éloge à l'adresse de l'auteur. Si j'avais écrit un ouvrage intitulé « Les Chefs-d'œuvre de l'art égyptien », M. Amélineau prétendrait nécessairement que j'ai qualifié mon livre de chef-d'œuvre !

M. Amélineau écrit : « Ce n'est pas la première tentative que fait M. Capart pour jeter le discrédit sur mes pauvres travaux ; il a déjà tenté de le faire ailleurs ; j'ai ignoré sa tentative et de guerre lasse il a dû remporter ses articles ». Je ne puis qu'opposer à cette assertion un démenti catégorique : c'est un pur roman d'imagination!

Quant aux allusions et insinuations de la fin, elles sont en tous points à la hauteur de la «< sereine dignité » que pratique M. Amélineau. Vous m'obligeriez en me permettant de reproduire la lettre de M. Amélineau à la fin du tirage à part de mon bulletin, en supplément. Voulez-vous demander à l'imprimeur de m'en tirer 300 exemplaires ?

Croyez, etc.

JEAN CAPART.

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