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bler, en 1858, Acton écrit à un de ses amis : « Il tomba très déprimé, gémit longtemps en se balançant en avant et en arrière devant le feu, comme une vieille femme qui a mal aux dents ». (Ward, I, p. 481.) Cette extrême sensibilité gagna l'intelligence où elle produisit quelque chose qui ressemble fort à de la superstition. Il attacha une importance spéciale au nombre sept. «<l limita à sept années son rectorat de l'université de Dublin. Il croyait que le terme normal de ses amitiés intimes devait être de sept années. Une lettre de 1871 à la prieure des dominicaines montre qu'il croyait que le nombre sept entre dans le compte des élus à chaque génération »>. (II, p. 343).

Cette morbidité fait de son journal une plainte continue pendant trente ans. M. Ward écrit (I, p. 11) : S'il était mort à 63 ans, à un âge qui représente à peu près le terme des jours accordés à l'homme en ce monde, sa carrière aurait fini dans l'histoire comme la plus triste des faillites. Les historiens auraient mis en contraste son importance sans égale en 1837 et sa complète insignifiance en 1863. Sa biographie aurait été une tragédie ».

Oui, la vie de John-Henry Newman fut une tragédie, et cette tragédie ne finit pas en 1863, comme paraît le penser son historien: elle se prolongea jusqu'en 1878, jusqu'à ce qu'il fût créé cardinal. Avec la pourpre romaine, le décor change et la scène ressemble de temps en temps à une comédie. Le digne vieillard croit qu'il va enfin pouvoir accomplir de très grandes choses, réaliser la mission providentielle à laquelle il se crut toujours appelé. Il en vint même à penser que s'il était grandement improbable qu'il devînt pape un jour, cela du moins n'était pas impossible. Un pape fut élu à l'âge de 93 ans et mourut à 96 ans, après avoir fait beaucoup de besogne pour cet âge et dans un temps si court. Et Newman traça pour son éventuel pontificat un programme que certainement aucun pape ne pourra réaliser : il nommerait et organiserait des commissions pour l'étude de la critique biblique et l'histoire de la primitive Église et « ces commissions devraient faire un rapport complet et sincère... » (II, p. 477).

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Le 1er janvier 1888, jour où l'on fêtait le jubilé sacerdotal de Léon XIII, Newman prêcha. Il laissa voir dans son sermon la pensée qui l'avait si longtemps obsédé, — qu'il lui avait été permis de faire bien peu de chose depuis son entrée dans l'Église jusqu'aux dernières années de sa vie. Il découvrit en cela un point de sympathie avec le pape Léon, qui (croyait-il) était un vieillard relativement inconnu quand lui fut donnée la grande opportunité de son élévation au pontificat.

Telles étaient les voies de la divine Providence. Lors que nous regardons, dit-il, les vies des saints, on est souvent émerveillé que Dieu ne les ait pas employés plus complètement ». (II, p. 530.)

Ainsi, après avoir cru dans son enfance «< qu'il pouvait être un ange », après s'être senti un génie dans son âge mûr, John-Henry Newman finit par se mettre au rang des saints. Le sermon où il exprimait cette opinion de lui-même fut d'ailleurs son dernier. Il s'éteignit peu à peu, sans être employé davantage par la divine Providence. Le 11 août 1890, il entra dans cette « gloire éternelle » à laquelle il avait eu, à l'âge de quinze ans, la certitude d'ètre prédestiné.

A. HOUTIN.

NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES

GEORG GERLAND. Der Mythus von der 'Sintflut. Bonn (Marcus et Weber), 1912. 1 vol. in-8° de 124 pages. M. G. Gerland, qui a composé, en collaboration avec Waitz, une Anthropologie restée classique, possède dans ses tiroirs toute une série de monographies ayant trait à l'ethnographie religieuse: il n'a pu les publier jusqu'ici par suite d'occupations très absorbantes et fort éloignées de l'histoire des religions. Parvenu à l'âge de la retraite, mais non du repos, il se décide à publier ces travaux, « sans prétentions >> tels qu'ils ont été écrits il y a plus de dix ou quinze ans.

La plus grande partie du livre (pp. 8-117) est remplie par une revue un peu rapide du mythe du déluge à travers tous les peuples de la terre. Cette revue n'est pas complète et elle n'est pas à jour; cela n'a rien d'étonnant, étant donnée la façon dont l'ouvrage a été composé, et cela n'a pas non plus une bien grande importance; car les documents rassemblés par l'auteur suffisen amplement à prouver sa thèse, que le mythe du déluge s'est formé indépendamment dans les provinces ethnographiques les plus diverses. Ce qui est plus grave, c'est que les fautes de transcription ou d'impression sont assez nombreuses p. 44, Udengei pour Ndengei, le grand dieu fidgien; p. 49, Merian, pour Mariner, l'auteur de The Natives of the Tonga Islands (Londres, 1818); p. 50 sq., Hime-nui-te-po, au lieu de Hine-nui-te po, et traduit «< die grosse leuchtende der Nacht », au lieu de « la grande fille de la nuit »; etc.

Dans l'Introduction et dans la conclusion, l'auteur présente quelques remarques intéressantes, mais sommaires, sur le caractère du mythe du déluge, sur son antiquité et son développement, sur sa complexité et sur son rapport avec la cosmogonie et d'autres mythes. Enfin, il propose une interprétation conçue dans un esprit « astralisant » ainsi, l'arche des « rescapés » serait le croissant de la lune, flottant dans la mer céleste et finissant par se poser sur une montagne. Par contre, M. Gerland ne se demande pas si le mythe du déluge ne présente pas certains rapports avec la corporation et le rituel des faiseurs de pluie ou des marins. C'est pourtant un point essentiel.

Mais M. Gerland ne prétend nullement avoir épuisé le sujet. Il a voulut rendre service aux travailleurs qui s'y attaqueront après lui, en mettant à leur, disposition sa collection, fort riche, de faits et de références. Il a essayé d'être utile et il y a réussi. Souhaitons à M. Gerland de pouvoir mener à bien rapidement la publication de ses autres travaux.

ROBERT HERTZ.

LOUIS DELAPORTE. — Épigraphes araméens. Étude des textes araméens gravés ou écrits sur des tablettes cunéiformes d'après les leçons professées au Collège de France pendant le semestre d'hiver 1910-11. Un vol. in-8 de 96 p.; Paris, Geuthner, 1912. Pour la facilité de la consultation, quelques tablettes cunéiformes de l'époque des Sargonides et des Achéménides et même d'Alexandre recevaient en marge quelques notes écrites en araméen. Cet idiome «< n'était donc pas seulement, remarque M. Delaporte, la langue des relations officielles entre la cour des Perses et les nations qu'ils avaient subjugées, comme l'a établi M. Clermont-Ganneau dès 1878, mais il était répandu et parlé en Assyrie, au vi siècle, et en Babylonie au v siècle, tout aussi bien que dans les colonies juives du sud de l'Egypte ». On voit donc l'intérêt qu'il y a à assurer la lecture souvent difficile de ces épigraphes, aujourd'hui au nombre de plus d'une centaine. C'est ce travail que nous donne M. Delaporte; il y apporte sa précision et son soin habituels.

Au point de vue de l'histoire des religions, les renseignements qu'on y puisera sont peu nombreux; mais il en est d'utiles à noter. Ainsi l'énigmatique pour Istar; le dieu de Nippour EN-LIL s'appelait Ellil en sémitique; le nom divin EN se prononçait Bel; la lecture du nom divin KUR-GAL, à l'époque néo-babylonienne, est = Amurru qui est écrit MAR-TU sous la première dynastie babylonienne, c'est le dieu des Amorrhéens; enfin le nom divin NIN-IB est transcrit ns dont la lecture est fort controversée; M, Delaporte penche à accepter l'opinion de M. Joseph Halévy En-nammašti, ce qui signifierait «< seigneur de toute créature animée ». M. Pognon lit maintenant Anušat.

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R. D.

Mélanges de la Faculté Orientale de Beyrouth, t. V, fasc. 2. Un vol. in-8° de 310-202 et LX11 p. Université St-Joseph, Beyrouth; Paris, Champion, 1912. Ce copieux fascicule nous donne la suite des Notes de lexicographie hébraïque et des Notes de critique textuelle du P. Paul Joüon. — M. 0. Rescher dresse le catalogue de nombreux manuscrits des bibliothèques de Stamboul. Le P. M. Chaîne étudie le texte copte du recueil intitulé Apophtegmes des Pères et conclut que la première rédaction a été faite en grec : << Pour le petit nombre des apopbtegmes que nous ne possédons pas en grec, une origine copte est possible: des additions à un recueil de ce genre sont particulièrement faciles. Parmi les documents que l'auteur grec utilise, on peut affirmer aussi que des documents de langue copte purent avoir leur part; mais c'est là, croyons-nous, tout ce que l'on peut accorder ». Le P. L. Ronzevalle condense trois articles qu'il a donnés au Journal Asiatique sous le titre Les emprunts turcs dans le grec vulgaire de Roumélie et spécialement d'Andrinople. — Le P. H. Lammens continue ses belles études sur Le Califat de Yazid Ier. On y trouvera d'abondants renseignements sur les tribus arabes de Syrie, une bonne monographie sur Nadjran (Arabie), des indications sur les

Samaritains. Les préoccupations exégétiques de la Sira ne font pas de doute; mais le savant arabisant pousse parfois trop loin le scepticisme. Dans la Bible, les livres des Rois sont eux aussi écrits dans une intention non dissimulée d'instruction religieuse; ne contiennent-ils pas cependant de précieux renseignements? Le P. L. ne tient pas la balance égale pourquoi, par exemple, les chrétiens de Nadjran n'auraient-ils pas pratiqué l'usure tout comme les musulmans de La Mecque? Dans l'ensemble, excellente documentation. Le P. Séb. Ronzevalle poursuit ses Notes et études d'archéologie orientale. Le morceau principal intitulé L'aigle funéraire en Syrie est une longue réfutation de l'étude publiée ici même par M. Fr. Cumont L'aigle funéraire des Syriens et l'apothéose des empereurs (RHR, 1910, II, p. 119-164). Dans l'article de notre savant collaborateur, il faut distinguer la valeur funéraire de l'aigle et 'origine de cette conception. Sur ce dernier point M. Cumont a suggéré une solution, mais on peut en imaginer d'autres. M. Gardiner (RHR, mars-avril 1911) penche pour une origine égyptienne et le P. Ronzevalle pour une origine hittite. En revanche le savant archéologue nous paraît contester à tort la valeur funéraire de l'aigle en Syrie. M. Cumont n'a pas dit que l'aigle n'y avait que cette valeur, mais il a bien défini sa fonction de psychopompe. Ce nous semble un défaut de méthode grave et qui ne tendrait à rien de moins qu'à supprimer toute archéologie religieuse que de dénier, en pleine Syrie romaine, toute signification à l'aigle ou au disque ailé pour n'y voir que de simples motifs décoratifs. D'ailleurs le P. R. atténue la rigueur de ses conclusions en prévenant qu'elles « sont plutôt provisoires et dubitatives, sinon entièrement négatives ». Le savant orientaliste étudie ensuite et publie des monuments trouvés en Syrie une base phénicienne des environs de Tripoli actuellement au musée de Constantinople, à laquelle il fait l'application de sa théorie des symboles sans valeur religieuse; mais il ne nous paraît pas avoir exactement saisi la valeur du monument ni déterminé sa date; nous y reviendrons plus à loisir. Deux stèles de Saïda, également à Constantinople, nous paraissent, autant qu'on en peut juger sur les reproductions, d'époque hellénistique plutôt que romaine. Il serait très intéressant de relever des traces du culte de Tanit en Phénicie : le P. Ronzevalle croit tenir la preuve de l'origine libanaise de Tanit dans deux noms de lieux du Liban, Aqtanît et Ain-tanît et il conclut qu'«< il devient moralement certain, s'il n'est pas mathématiquement prouvé, que cette déesse était originaire du Liban ». y a une difficulté, c'est que la prononciation Tanit n'est pas la bonne; la seule transcription ancienne est, à l'accusatif, TAINTIAA. Il est vrai que le P. R. corrige cette graphie en TANITIAA, de même que les Tatavide de Philon de Byblos, seraient à lire Tavitides, comme l'a proposé M. Clermont-Ganneau. Tout cela n'est qu'hypothèse et il n'y a pas l'ombre d'une certitude. Signalons un nouveau document épigraphique concernant le Deus Geneas (nous ne saisissons pas exactement en quoi consiste la distinction radicale proposée par l'auteur entre Genneus et Gennaios); quinze pages consacrées à la tablette

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