pensée lui appartient,& qu'elle n'a aucun raport avec l'étenduë,qui eft l'attribut de la fubftance corporelle. La fpiritualité de nôtre ame étant ainfi prouvée, il eft encore aifé de conclure en faveur de fon immortalité. Car fi on prend bien garde que la fubftance étendue, & la fubftance qui penfe, font deux chofes fi differentes, que rien de tout ce qui convient à l'une ne puiffe convenir à l'autre:on avouëra que le corps & l'ame font deux natures ou deux fubftances réellement diftinctes l'une de l'autre, & qui n'ont rien de commun entre elles,& que par confequent la deftruction de l'une n'emporte pas la deftruction de l'autre:ainfi puifque la deftruction des corps ne peut arriver que par le changement & par la diffolution de leurs parties, il faut que nous demeurions perfuadez & convaincus que la nature de nôtre ame n'ayant aucun rapport avec tout ce qui eft divifible & compofé de parties, ni generalement avec toutes les difpofitions & les changemens qui arrivent dans : la matiere, elle ne peut perir comme le corps,& par confequent elle peut durer toute une éternité. Que cette idée de notre ame eft fi claire de conclure que l'ame qu'on attribue aux animaux, ne foit la même en fubftance que celle de l'homme, puis qu'on leur attribue auffi une connoiffance dont le fujet ne peut être corporel, & que d'ailleurs il femble,felon les principes dont on fe fert pour donner quelque jour à la divifion que l'on fait d'une ame generique en fes trois efpeces, que l'ame raifonnable n'ait rien que les deux autres ne foient capables d'acquerir, puifque toute la difference que l'on met entre ces trois ames, ne vient que de la diverfité des organes dont elles dépendent, & des differens engagemens où elles fe trouvent dans la matiere des corps qu'elles animent. Mais fi l'on dit qu'elle n'eft pas fpirituelle, on ne dira rien alofs, finon que l'ame eft un corps, fi ce n'eft qu'on abuse peut-être du nom d'ame, comme on abufe de celui d'efprit, quand on dit que les parties les plus fubtiles du fang font des efprits vitaux & animaux,bien qu'elles ne foient pas moins des parties de matiere, que les plus & Et c'eft une imagination en effet affez ordinaire, même à des gens de Lettres, lors qu'on vient à diffoudre & à reduire les parties de quelque corps jufques à une petiteffe imperceptible aux fens, que de fe perfuader auffi-tôt qu'elles ne font plus les parties d'un corps, qu'elles font devenues des efprits: Et bien qu'ils ayent appris que la matiere eft divisible à l'infini, ils ont de la peine à croire qu'elle foit encore matiere, lors qu'elle eft divisée jufques à ce point que de ne fe faire plus fentir. C'eft fur cette extravagance de l'imagination que font fondées la plupart des opinions les plus ridi cules qui ont paru fur le fujet de la nature de l'ame : car qu'est-ce qui a porté les Epicuriens à croire que l'ame n'étoit qu'un petit air tresfubtil, composé d'atomes, lequel étant renfermé dans un corps lui donnoit la vie & le mouvement = qui ceffoit auffi-tôt que ce petit Pour fouffle venoit à s'échapper & à fe diffoudre dans un air plus libre? Tenues euanefcit in auras. quoi Zenon & les Stoïciens ont ils enfeigné que c'étoit un certain feu actif & pénétrant, un air enflaminé,ou une je ne fçai quelle quinte effence des quatre élemens qui fe repandent par tout le corps, donnoit le branle à tous fes mouvemens; fi ce n'eft à cause qu'ils se font tous imaginé que la matiere des corps pouvoit peut-être s'affiner,fe preparer & fe divifer en des parties fi pures,fi fubtiles & fi actives, qu'elle tecevoit enfin des difpofitions qui la rendoient capable de penfer. Mais que l'on fubtilise la matiere, qu'on la prepare, & qu'on lui donne toutes les difpofitions que l'on voudra, que l'on reduife toutes fortes de corps en des atomes imperceptibles, & à la quinte ellence des efprits vitaux & animaux,en feront-ils pour cela moins corps ou moins matiere que les corps les plus groffiers, les plus |