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unique héritière. Celle-ci meurt après lui, et laisse sa succession à deux sortes de personnes, savoir, à son héritier naturel, le sieur de Bredeville, et à son mari, donataire du tiers de sa dot et des biens que lui a transmis son père.

M. de Sahure passe à de secondes noces, et, à sa mort, transmet sa succession à la comtesse de Barneville, et au marquis de..., à la réserve cependant du douaire coutumier de sa veuve, douaire qui comprend, en Normandie, l'usufruit du tiers des biens.

Cependant le sieur Mourette prétend que les conditions exclusives du retour stipulé dans l'acte de rétrocession de 1715, n'ont pas été remplies à la mort de la fille de M. Dupont, puisqu'elle est décédée sans avoir disposé en conséquence, il fait assigner le sieur de Bredeville, son héritier, au châtelet de Paris, et demande qu'il soit obligé de lui abandonner les biens compris dans le bail à fief de 1713.

Le sieur de Bredeville forme une demande en garantie contre la comtesse de Barneville et le marquis de...., héritiers de M. de Sahure, et en cette qualité, ses co-partageans dans les biens de la demoiselle Dupont.

Ceux-ci interviennent; le sieur de Bredeville meurt pendant l'instruction; ses enfans, au nombre de douze, reprennent l'instance; et le 30 mars 1776, sentence qui déboute le sieur Mourette.

Appel de la part de celui-ci; et le 16 juillet 1777, arrêt sur délibéré, à la grand'chambre, qui infirme la sentence, et adjuge au sieur Mourette les conclusions qu'il avait prises au châtelet.

La veuve de M. de Sahure, remariée au sieur Veignon, n'ayant point été partie dans cet arrêt, prend le parti d'y former une tierce Opposition, sur le fondement qu'il la dépouille indirectement du douaire coutumier qui lui est dû sur le tiers des biens réclamés par le sieur Mourette: ces biens, dit-elle, ont fait partie du don mobile fait à M. de Sahure par M. le président Dupont; conséquemment M. de Sahure ayant laissé ce tiers dans sa succession, j'ai droit, comme sa veuve, d'en prendre le tiers pour douaire coutumier.

La cause portée à l'audience au rôle des vendredis, le sieur Mourette, défendu par M. Martineau, soutient que la dame Veignon est non-recevable dans sa tierce-Opposition. Je n'étais pas obligé, dit-il, de l'appeler lors de l'arrêt de 1777; elle n'y a point été partie, mais aussi elle n'a point dû l'être. Si elle avait des moyens particuliers à faire valoir, c'était à

elle d'intervenir : ne l'ayant pas fait, elle est censée s'en être rapportée à ce que diraient les héritiers; elle a donc consenti implicitement que ce qui serait jugé avec eux, le fût avec elle.

La dame Veignon répondait :

« J'ai un douaire coutumier, et par conséquent un droit réel, sur le bien dont il s'agit. Ce droit, je ne le tiens pas des héritiers de mon mari; la loi seule me l'a déféré. Je ne suis donc, à cet égard, ni leur successeur, ni leur ayant-cause. »

» Dès lors je n'ai pas pu, dans la cause jugée en 1777, être représentée par eux; ils n'ont conséquemment eu aucune qualité pour défendre mes droits; et, par une conséquence ultérieure, ce qui a été jugé contre eux, peut pas s'étendre jusqu'à moi ».

ne

M. l'avocat général Séguier a adopté ces moyens, et a conclu, en conséquence, à ce que la tierce-Opposition fût admise.

Par arrêt du 6 février 1778, la dame Veignon a été reçue tierce opposante à celui du 16 juillet 1777.

[[V. dans mon Recueil de Questions de droit, aux mots Opposition (tierce- ), § 1, ce que j'ai dit de cet arrêt, lors de celui de la cour de cassation, du 12 fructidor an 9. ]]

[ART. VIII. Lorsqu'il a été rendu entre une partie quelconque, et un membre d'un corps. privilégié, un arrêt qui attaque les droits de sa compagnie, celle-ci peut-elle y former tierce-Opposition?

La déclaration du 8 mai 1772, donnée pour la liquidation et le remboursement des offices dont la révolution de 1771 avait entraîné la suppression, et differens arrêts du conseil rendus la même année et depuis pour la construction des canaux de Picardie et de Bourgogne, ordonnaient 1°. que les corps d'état, villes, bourgs, administrations et habitans du ressort du parlement de Douai, `contribueraient de certaines sommes, tant au remboursement proposé, qu'à la construction dont on vient de parler; 2°. que la répartition de ces sommes entre les administrations, serait réglée par les intendans; 3o. que la quote-part de chaque contribuable en particulier serait fixée par les états, magistrats et autres administrations; 4°. qu'enfin l'on impose. rait tous les habitans exempts et non exempts,

privilégiés et non privilégiés, sans distinction.

En conséquence de ces réglemens, les échevins de Valenciennes se sont crus en droit d'imposer à la taxe les sieurs Hamoir, Bouchelet, de Wallers et Rousseau, secrétaires

du roi; ceux-ci se sont pourvus au parlement de Douai pour s'en faire déclarer exempts.

Leurs moyens consistaient à rappeler les édits par lesquels il est décidé que les secretaires du roi ne sont pas censés compris dans les dispositions générales qui sont relatives aux exempts.

Les échevins de Valenciennes, pour éluder le combat sur ce point, ont soutenu que l'exécution des taxes dont il s'agissait, avait été confiée aux intendans et aux administrations; qu'ils n'avaient fait qu'obéir à l'autorité de l'intendant de Hainaut, qui avait arrêté et rendu exécutoire le rôle qu'ils avaient forme; qu'ainsi, les sieurs Hamoir, Bouchelet, de Wallers et Rousseau devaient être renvoyés à se pourvoir devant l'intendant ou au conseil d'état.

Les sieurs Hamoir, Bouchelet, de Wallers et Rousseau représentaient que, par différens édits et déclarations, ils avaient un tribunal conservateur de leurs priviléges, que toutes leurs causes étaient commises au parlement de Flandre, et que c'était à cette cour seule qu'appartenait le droit de juger leur exemption.

Par arrêt du 27 juillet 1776, le déclinatoire proposé par les échevins de Valenciennes, a eté accueilli, et les sieurs Hamoir et consorts ont été renvoyés à se pourvoir là et ainsi qu'il appartiendrait.

Le college des secrétaires du roi à la chancellerie près le parlement de Flandre, croyant ses droits blessés par cet arrêt, y a formé une tierce Opposition; et il s'est agi de savoir 1o. s'il était recevable à prendre cette voie; 2o. s'il y était fondé.

Après une instruction contradictoire, il est intervenu, le 12 mai 1780, arrêt par lequel le college des secrétaires du roi a été reçu tiers opposant à celui de 1775, et les échevins de Valenciennes ont été déboutés de leur déclinatoire.

Les échevins de Valenciennes se sont pour. vus en cassation contre cet arrêt. Voici les moyens que contenait leur requête :

« Le college des secrétaires du roi ne pouvait être reçu opposant à l'arrêt rendu contradictoirement depuis cinq ans, avec quelques-uns de ses membres, que par la tierceOpposition, puisqu'il n'était ni compris ni dénommé comme partie dans cet arrêt. Or, les praticiens observent que, pour former cette tierce Opposition, il ne suffit pas d'avoir intérêt de détruire le jugement, mais qu'il faut de plus 1o. avoir eu, lors de l'arrêt, une qualité qui ait obligé de nous y appeler; 2o. n'y avoir pas été partie par le ministère ni

par l'interposition d'un tiers qui soit censé avoir eu notre mission, ou que nous soyons censes représenter. Cette jurisprudence ajoutent les auteurs, résulte évidemment des termes de l'art. 50 du tit. 2 de l'ordonnance des substitutions.

» Dans l'espèce présente, d'un côté, rien n'obligeait les supplians à appeler ni à faire déclarer commun avec toute la chancellerie du parlement de Douai, l'arrêt par eux obtenu contre quatre de ses membres; nonseulement rien ne les y obligeait, mais il est même certain que cette procédure eût été insoutenable, attendu que la mission des supplians se bornait à faire payer les officiers de la Chancellerie résidans Valenciennes, et qu'ils n'avaient ni inspection ni autorité d'aucune espèce sur ceux qui étaient hors de leur territoire, et demeurans, soit à Douai, soit ailleurs; voilà donc une première condition dont le défaut rendait le collége des secrétaires du roi, non-recevable.

» La seconde condition manquait également. Eh! peut-on révoquer en doute, à la simple lecture des actes de la procédure, que le college des secrétaires du roi ne fût partie dans la cause par le ministère, par l'interposition de ses quatre membres? En effet, pourquoi cette réserve de la part de ceux-ci, que s'ils paient, c'est sous protestation formelle des voies de droit, et sans préjudice de celles de la chancellerie pourra que le corps prendre ci-après? C'est à de telles réserves qu'on peut appliquer l'axióme célèbre, nimia cautio dolus ».

Par arrêt du 6 avril 1784, « le roi, en son » conseil, ayant égard à ladite requête, et » sans s'arrêter à l'arrêt rendu au parlement » de Douai, le 12 mai 1780......, lequel sa » majesté a cassé et annulé......, faisant droit » sur l'Opposition formée par le college des » secrétaires de sa majesté en la chancellerie » établie près le parlement de Flandre, à » l'arrêt contradictoire rendu audit parle»ment, le 27 juillet 1775, déclare sa majesté » ledit college non-recevable dans ladite Op» position, lui fait défense d'en former de » semblable à l'avenir...... ».

Ainsi, le conseil a décidé, contre ce qu'avait jugé le parlement de Flandre, qu'une compagnie d'officiers n'est pas recevable à former tierce-Opposition à un jugement qui attaque ses priviléges dans la personne d'un de ses membres.

Cette décision n'ayant été portée que sur requête, le college des secrétaires du roi a cru devoir s'y rendre opposant. ]

[[Mais son Opposition a été rejetée par un arrêt contradictoire que j'ai vu, et dont je n'ai pas retenu la date. ]]

[ART. IX. 10. Les jugemens rendus avec le ministère public, sur des objets qui intéressent individuellement des particuliers, sont-ils passibles de tierce-Opposition de la part de ceux-ci?]

[[ 2o. Le sont-ils aujourd'hui lorsqu'ils ont été rendus par des tribunaux qui ne peuvent pas connaitre directement des prétentions purement civiles de ces particuliers, c'est-à-dire, par des cours d'assises, par des tribunaux correctionnels des tribunaux de police ? ]] ou par

[I. Toute la France retentit encore (1) de la cause du paratonnerre de Saint-Omer, qui a été jugée au conseil provincial d'Artois, le 21 mai 1783, en faveur du sieur de Vissery de Bois-Valé, contre le procureur général, prenant le fait et cause du petit bailli de SaintOmer, partie publique du siège municipal de la même ville.

Cette sentence, à laquelle ont applaudi des journalistes, n'a pas trouvé la même approbation parmi les jurisconsultes, qui n'ont pu voir de sang-froid juger sans rapport préalable d'experts, et sans avoir entendu les voisins, qu'un paratonnerre était construit et placé suivant les règles de l'art.

Quelques particuliers du voisinage du sieur de Bois-Valé ont formé une tierce-Opposition

contre cette sentence. Le sieur de Bois-Valé a soutenu qu'ils étaient non-recevables.

<< Cette fin de non-recevoir (disait-il) est fondée sur les premiers principes de l'ordre judiciaire. Qu'est-ce qu'une tierce-Opposition? C'est un moyen de se pourvoir par-devant le même juge, contre un jugement rendu dans une affaire où l'on n'a point été partie.

» De cette définition incontestable, il suit que la tierce Opposition est interdite à celui qui a été ou qui est censé avoir été partie dans l'affaire. Or, tel est précisément le cas où se trouvent nos adversaires.

» Quand le sieur de Bois-Valé obtint le jugement dont est question, contre qui plaidait il? Contre la partie publique. La partie publique defendait la cause du public. Quel était ce public, si ce n'est la classe entière des particuliers qui pouvaient paraître intéressés à la destruction du paratonnerre? La sûreté des habitans du marché aux herbes, des voisins du sieur de Bois-Valé, et généralement de tous ceux dont cette machine aurait pu

(1) [[ J'écrivais ceci à la fin de l'année 1784. ]]

exposer les jours; voilà le seul prétexte qui pouvait déterminer le ministère public à prendre parti dans cette affaire; c'est, en effet, sous cet unique rapport qu'il s'est déSaint-Omer et à la cour. claré l'adversaire du sieur de Bois-Vale à

» Ce sont donc tous ces particuliers qui ont été défendus par l'organe du ministère parties dans cette cause ; c'est avec eux qu'elle public; ce sont ces particuliers qui étaient a été jugée; aucun d'eux n'a donc le droit de la renouveler dans ce tribunal.

» Soutenir le système contraire, c'est dire que le public, c'est-à-dire, la généralité des particuliers dont on veut attacher la destinée à celle du paratonnerre, a été condamné par votre jugement dans la personne de son défenseur, et que ce même jugement ne frappe sur aucun des individus qui composent cette généralité; c'est faire de vos décisions de vaines formules, du ministère public un fantôme destiné à défendre un être chimérique sur lequel personne n'aurait aucune prise, qui formerait un tout destitué de parties, un corps qui n'aurait point de membres; c'est condamner ceux qui ont à soutenir quelque contestation de ce genre, à combattre éternellement en détail ceux qu'ils auront défaits en corps, à essuyer autant de procès qu'une province entière, quelquefois, renfermera d'habitans; c'est fournir un aliment inépuisable à la discorde, à la haine, aux cabales, aux persécutions; c'est livrer la fortune et la tranquillité des citoyens à la merci de cette classe d'hommes, que leur état et leur indigence ne rend que trop faciles à devenir les instrumens des passions de ceux qui veulent les stipendier ».

Ces moyens paraissaient sans réplique. Voici ce qu'y a répondu M. Lesage, défenseur des tiers-opposans:

« On doit, dans l'ordre judiciaire, distinguer trois sortes d'actions: les unes publiques, les autres privées, et les troisièmes enfin que j'appellerai mixtes.

» Les actions publiques sont celles qui appartiennent tellement au ministère public, que les particuliers n'auraient pas le droit de les intenter, parceque leur objet prochain est l'intérêt de la société, ou si l'on veut, de ceux qui la composent ut universi, et que l'intérêt au contraire qu'y peuvent avoir des particuliers ut singuli, n'est jamais que secondaire.

» Telles sont, dans nos mœurs, toutes les actions criminelles. Le seul ministère public a droit de requérir la prononciation des peines portées par la loi : lui seul a droit de de

mander qu'un citoyen soit privé de la vie naturelle ou de l'honneur. S'il arrive qu'une partie civile ait conclu à cette condamnation, ce ne peut pas être directement, mais seulement par une conséquence médiate, et pour demander les dommages-intérêts résultans d'un délit pour la punition duquel elle ne peut arrêter le bras vengeur de la justice. Dans cette espèce, l'intérêt de la société est le premier objet de l'action : aussi est-elle absolument interdite à tout autre qu'à l'homme public, qu'au défenseur de la société.

» Les actions privées sont celles par lesquelles les citoyens poursuivent ou défendent leurs droits entre eux. Cette définition convient même aux actions criminelles, que les particuliers n'intentent jamais comme criminelles, c'est-à-dire, pour faire prononcer la peine due au délit, mais pour obtenir la réparation civile résultante du tort qu'il leur a inféré cette espèce d'action est toujours civile, ou, pour parler plus exactement suivant notre définition, elle est toujours privée.

» Les citoyens ont le droit exclusif de poursuivre ces sortes d'actions : le ministère public deviendrait un despote, s'il avait le droit d'être partie dans les affaires où l'on ne traite que de l'intérêt des particuliers; il serait à craindre que, sous la garantie du bien public, du service de l'État, il ne renversât, par le prétexte d'un mieux, les lois les plus claires, les droits les mieux établis. Pour faire voir les conséquences fâcheuses qui résulteraient de là, j'aurais besoin d'entrer dans une discussion qui m'entraînerait hors de mon sujet ; j'y reviens.

» La définition que je viens de donner des actions privées, ne paraîtra peut-être pas juste au premier coup d'œil, surtout en excluant le ministère public, parcequ'on le voit souvent partie dans des affaires purement civiles, dont l'objet prochain n'est pas la sûreté publique, et que d'ailleurs on l'entend porter la parole dans une multitude de causes qui n'intéressent que les citoyens, ou différens ordres de citoyens entre eux.

» Mais si l'on veut bien réfléchir, on verra que, dans les affaires purement privées où le ministère public est partie, il représente, non pas l'universalité des citoyens confiés, pour ainsi dire, à ses soins et à sa defense, mais le prince qui descend de son tróne pour soutenir ses droits comme les autres particuliers, et qui vient, comme eux, invoquer, par l'organe de son procureur, les lumières des magistrats qu'il a bien voulu rendre dépositaires de son autorité.

» Dans les autres causes qui n'intéressent

que les citoyens entre eux, si l'homme public porte la parole, ce n'est pas pour demander, pour requérir, mais pour estimer; ce ne sont pas des conclusions qu'il prend, c'est un avis qu'il donne; et encore ne le fait il que dans les causes où un certain ordre de citoyens, ou quelques-uns d'entre eux, sont spécialement sous sa protection.

im

» Je passe aux actions que j'ai appelées mixtes: ce sont celles qui, en même temps, sont publiques et privées; je m'explique: ce sont celles dont le but prochain et peu éloigné est en même temps la sûreté publique et la sûreté particulière de quelques individus : il ne serait pas juste alors, puisque l'intérêt est égal, que les particuliers, en parlant, posassent silence au ministère public, comme il serait inique de fermer la bouche à ceux-là, parceque celui-ci aurait succombé. Les uns peuvent avoir des éclaircissemens à donner aux juges, l'autre peut leur rappeler les règles, enfin tous ont un intérêt également prochain.

» C'est dans cette partie de la législation qui a pour objet la police, que nous trouvons des exemples de la vérité de ces principes. Parmi tous les objets qu'elle a en vue, la sûreté et la tranquillité publiques tiennent le premier rang; mais il est impossible qu'elle ne concoure pas souvent avec la tranquillité et la sûreté de quelques citoyens considérés individuellement et ut singuli. En voici la preuve.

» Plusieurs réglemens de police ont statué à quelles heures les cabaretiers peuvent vendre; quelques-uns leur font défense de donner à boiré les dimanches et fêtes pendant l'office divin. Je suis bien persuadé qu'un particulier n'est point recevable à requérir · l'exécution de ces réglemens : quelque respect qu'il ait pour la religion, il n'en est point le proctecteur; quelque scandale qu'il craigne, son intérêt ne peut être qu'éloigné : celui, au contraire, de l'homme public est prochain, et lui seul a le droit de se plaindre des contraventions portées aux réglemens.

» Mais une autre ordonnance de police défend encore au cabaretier de vendre après la retraite. Cette loi a, d'un côté, pour but la tranquillité publique et les bonnes mœurs, qui ne permettent pas aux particuliers de s'enivrer toute la nuit ; et de l'autre, la tranquillité des voisins dont le repos serait interrompu par les joyeux ébats des buveurs.

» Je suppose maintenant qu'un cabaretier pris en contravention, ne nie point le fait, et que, pour sa défense contre la réclamation de l'homme public, il vienne soutenir qu'il

á le droit d'avoir son cabaret ouvert à toutes les heures de la nuit; je suppose qu'il appuie son système sur des moyens spécieux (et quoique ces suppositions soient absurdes, si l'on veut, je ne les abandonne pas, parcequ'elles vont me conduire à la vérité): je suppose donc enfin que ces moyens fassent impression sur l'esprit des juges, et qu'ils décident que le cabaretier peut vendre à toutes les heures de la nuit, comme il le prétend. Un voisin, interrompu par le bruit qu'on fait à côté de lui, se pourvoit contre le cabaretier, et demande qu'en conséquence des réglemens de police, il lui soit défendu de troubler son sommeil : croit-on de bonne foi que ce voisin, à qui l'on objecterait le jugement rendu précédemment en faveur du cabaretier, n'aurait pas le droit de l'attaquer par la voie de la tierce-Opposition?

» Autre exemple. Un particulier a chez lui un magasin de poudre : le défenseur de la société s'y oppose; jugement encore, si l'on veut, qui n'a aucun égard à ses justes craintes pour le public. Un particulier du voisinage craint une explosion : il veut en prévenir les brusques effets. Le sieur de Vissery, qui a probablement aussi peur de la poudre à canon que de la matière électrique, se récrierait sans doute, s'il se trouvait dans ce cas, contre le système absurde qu'il propose aujourd'hui; et il ne manquerait pas de prendre la voie de la tierce Opposition contre le jugement dont la signification pourrait être aussi subite; et le sieur de Vissery aurait raison.

» Je n'ai parlé jusqu'à présent que de l'erreur dans laquelle peut tomber le juge de police. Que sera-ce si on le suppose capable de tolérance ou de collusion.....?

>> Si, dans les actions mixtes, je veux dire, dans celles que les particuliers ont le droit d'intenter concurremment avec le ministère public, on n'écoutait pas leurs réclamations, quand celui-ci est muet, ou même quand il se serait volontairement laissé condamner, la plupart des lois de police resteraient dans l'inertie, faute, pour ainsi dire, d'agent qui pût leur donner la première impul

sion.

» Il dépendrait de la tolérance aveugle de l'officier chargé de requérir l'exécution des règlemens, de nous priver du repos que tout citoyen doit avoir dans ses foyers; il dépendrait de sa paresse, de son ignorance, de son intérêt peut-être, de ne nous laisser qu'une existence précaire. Après qu'il aurait permis, après surtout qu'il aurait fait juger que l'é difice d'un voisin qui menace ruine, peut TOME XXII.

des

subsister, je n'aurais pas le droit de craindre, je n'aurais pas le droit de demander que gens de l'art justifient ma peur, ou qu'ils décident que je me suis trompé......!

» Je sais, et l'on pourra dire que, dans notre espèce, il n'y a eu ni tolérance, ni collusion; on m'opposera encore que, dans le droit, on ne suppose pas la fraude. Mais aussi n'est-il nécessaire de supposer ni tolérance, ni collusion, ni fraude, pour se pourvoir par la tierce-Opposition contre un ju. gement rendu dans une affaire où le ministère public était partie : il suffit, et c'est ce que j'ai seulement voulu prouver, d'avoir un intérêt également prochain, pour faire valoir avec succès cette maxime devenue proverbe, res inter alios judicata aliis non obest.

» Je vais plus loin encore, et je dis qu'on devrait encore décider la même chose, quand même il faudrait supposer le dol et la collusion; et je le dis d'après cette règle du droit naturel, que de deux maux il faut choisir le moindre.

>> En effet, ne vaudrait-il pas mieux écouter les moyens d'une tierce Opposition au fond, que de réduire le tiers-opposant à la nécessité de faire décider avant tout une question de fait, injurieuse pour la magistrature, et scandaleuse pour le citoyen, que de le forcer à un premier combat avec l'homme public, dont le tiers-opposant ne pourrait se tirer avec avantage qu'en déshonorant celui qu'il doit respecter; qu'en imprimant une tache sur celui qui doit paraître pur au milieu de la société?

» Mais je n'avais pas besoin d'aller aussi loin pour prouver qu'il est des actions mixtes, et que les particuliers, ainsi que le ministère public, peuvent également les faire valoir quand leur intérêt est également prochain, puisqu'enfin on doit me passer dans toute son intégrité, cette proposition : l'intérêt prochain est la mesure des actions.

>> Veut-on savoir quand une action est mixte? Que l'on consulte l'intérêt public et l'intérêt privé, et qu'on se fasse cette question: l'homme public et le particulier sont-ils également recevables? Si l'on est obligé de se décider pour l'affirmative, il est absurde de conclure que le particulier n'aurait plus d'intérêt, quand cette action aurait été proscrite dans la bouche du ministère public, puisque l'événement ne peut pas faire qu'il soit sans intérêt.

» Ainsi, toutes les fois que l'intérêt sera également prochain, le ministère public et le citoyen auront le droit de s'adresser au juge;

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