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nant du preneur ou de l'usufruitier; or une donation ne se suppose pas.

On admet généralement que l'immobilisation par destination pourrait aussi résulter du fait de celui qui possède le fonds animo domini, sans qu'il y ait lieu de distinguer s'il est ou non de bonne foi. Celui qui possède un fonds animo domini s'en croit propriétaire ou se comporte comme tel: il représente donc l'intérêt du fonds.

1221. Les trois conditions ci-dessus suffisent-elles pour qu'un objet mobilier devienne immeuble par destination? Faut-il en outre que le propriétaire ait placé cet objet sur son fonds à perpétuelle demeure, c'est-à-dire dans une intention de perpétuité? Quelques auteurs l'exigent dans tous les cas, mais à tort, croyons-nous. En effet, la loi ne paraît pas requérir la condition de la perpétuelle demeure pour l'immobilisation qui a lieu dans l'intérêt du service ou de l'exploitation du fonds, ou autrement dit pour l'immobilisation par destination agricole ou industrielle. L'art. 522, relatif à un cas particulier d'immobilisation par destination agricole, ne parle pas du tout de la perpétuelle demeure. De plus l'art. 524, qui s'occupe à la fois de l'immobilisation agricole et de l'immobilisation industrielle, dit dans son alinéa 1 : « Les objets que le propriétaire d'un fonds y a places pour le service et » l'exploitation de ce fonds, sont immeubles par destination ». L'article n'exige pas d'autre condition pour l'immobilisation; et, comme s'il voulait insister pour nous faire comprendre que cette condition suffit, il ajoute en se répétant: « Ainsi, sont immeubles par destination, » quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l'exploi»tation du fonds... ». De la perpétuelle demeure il n'en est pas question. L'article en parle bien dans sa partie finale, après avoir achevé sa longue énumération; mais précisément il en parle dans des termes qui donnent à entendre que cette condition n'est pas nécessaire quand il s'agit de l'immobilisation par destination agricole ou industrielle dont il vient de s'occuper. Voici comment il s'exprime : « Sont AUSSI [c'est-à-dire en outre] immeubles par destination, tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure ». Il paraît bien difficile de donner à la loi, prise dans son ensemble, un sens raisonnable autre que celui-ci : Tous les objets, attachés à un fonds par le propriétaire pour son service et son exploitation, sont par cela seul immeubles par destination, qu'ils aient été ou non placés à perpétuelle demeure (art. 522 et 524 al. 1 à 12); l'intérêt agricole ou industriel suffit à lui seul pour produire l'immobilisation. Sont en outre immeubles par destination tous les objets mobiliers qu'un propriétaire a attachés à son fonds à perpétuelle demeure dans un autre intérêt, par exemple celui de l'utilité ou de l'ornement du fonds (art. 524 al. final). La perpétuelle demeure ne paraît donc nécessaire

que lorsque l'immobilisation a lieu dans un intérêt autre que l'intérêt agricole ou industriel du fonds.

En faveur de ce système, qui compte des suffrages imposants dans la doctrine, je remarque: 1o que lorsque la loi s'occupe de l'immobilisation par destination agricole ou industrielle, elle emploie les expressions d'objets PLACES sur le fonds, jamais celles d'objets ATTACHÉS au fonds, dont elle se sert plus volontiers quand elle exige la perpétuelle demeure (art. 524 in fine et 525), et qui sont en effet beaucoup plus énergiques; 2o que les signes, qui sont indiqués par l'art. 525 comme annonçant l'intention de la part du propriétaire d'attacher les objets à son fonds à perpétuelle demeure, sont sans application possible à la plupart des cas d'immobilisation agricole ou industrielle : ce qui donne à entendre que la perpétuelle demeure n'est pas exigée pour cette immobilisation.

1222. Nous allons nous occuper successivement de l'immobilisation par destination agricole ou industrielle et de l'immobilisation par perpétuelle demeure.

1. De l'immobilisation par destination agricole ou industrielle.

1223. Les art. 522 et 524 contiennent une énumération, non limitative, des objets mobiliers qui deviennent immeubles par destination agricole ou industrielle.

Aux termes de l'art. 522: « Les animaux que le propriétaire du fonds » livre au fermier ou au metayer pour la culture, estimés ou non, sont » censés immeubles tant qu'ils demeurent attachés au fonds par l'effet de » la convention. Ceux qu'il donne à cheptel à d'autres qu'au fermier » ou métayer sont meubles ».

Celui qui exploite un immeuble rural en vertu d'un bail, est désigné sous la dénomination de fermier ou de colon partiaire; — fermier, si la redevance périodique qu'il doit au propriétaire est ferme (exemple mille francs, cent hectolitres de froment... chaque année); - colon partiaire, si cette redevance consiste en une quotité des fruits, ce qui la rend aléatoire. Ordinairement cette quotité est de la moitié, et alors le colon partiaire s'appelle métayer, de meta moitié.

Cela posé, les animaux (et il en serait de même des ustensiles aratoires), que le propriétaire livre au fermier ou au métayer pour la culture, deviennent immeubles par destination agricole, parce que le propriétaire est censé les avoir attachés, comme dit la loi, au service et à l'exploitation du fonds.

Quand un propriétaire livre ainsi à son fermier ou à son métayer des animaux pour l'exploitation du fonds, il y a deux baux confondus en un, le bail de la terre et celui des animaux. Ce dernier, qui est accessoire par rapport au premier, puisqu'il a seulement pour but d'assurer la bonne culture des terres, porte le nom de cheptel de fer, expression que l'on emploie aussi quelquefois pour désigner les animaux eux-mêmes faisant l'objet du bail, et qui indique d'une manière énergique la solidité du lien par lequel les animaux sont attachés au sol.

La plupart du temps le contrat de bail contient l'estimation des bestiaux que le propriétaire livre au fermier. Cette estimation n'a pas pour résultat (sauf bien

entendu convention contraire) de transférer au fermier la propriété des bestiaux, sous l'obligation d'en payer le prix d'estimation: ce qui les empêcherait de devenir immeubles par destination, puisqu'ils n'appartiendraient plus au propriétaire du fonds. Comme on aurait pu croire le contraire, à cause de l'ancienne règle Estimatio facit venditionem, dont le législateur a consacré dans notre droit actuel quelques applications, le code civil s'en est expliqué formellement (art. 522 et 1822). Il dit dans notre article que les animaux livrés par le propriétaire au fermier deviennent immeubles par destination, qu'ils soient estimés ou non ». Quelle sera donc alors l'utilité pratique de l'estimation? Le plus souvent elle sera faite en vue d'obliger le fermier à laisser, à la fin du bail, des bestiaux d'une valeur égale à ceux qu'il a reçus (art. 1821). Les bestiaux sont ainsi mis aux risques du fermier, sans devenir pour cela sa propriété (art. 1822). Il n'aurait donc pas le droit de les garder à l'expiration du bail, en payant au propriétaire le prix d'estimation.

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Quant aux animaux qu'un propriétaire donne à cheptel, c'est-à-dire à bail, à un autre qu'au fermier ou métayer, il est clair qu'ils ne sont pas immobilisés, puisque le propriétaire les afferme sans affermer son fonds, et n'établit ainsi aucun lien entre les animaux et un fonds à lui appartenant. C'est tellement évident que notre article aurait pu se dispenser de le dire.

1224. Le long art. 524, dont nous connaissons les deux premiers alinéas, et dont la disposition n'a d'ailleurs rien de limitatif (argument du mot ainsi), va maintenant nous indiquer toute une série d'objets, qui deviennent immeubles par destination agricole ou industrielle, quand ils ont été placés sur un fonds par le propriétaire pour le service et l'exploitation de ce fonds. La loi cite :

« Les animaux attachés à la culture ». Si cette hypothèse diffère de celle que prévoit l'art. 522, elle est vraisemblablement relative au cas d'un propriétaire exploitant son fonds lui-même, tandis que l'art. 522 suppose que l'exploitation a été confiée à un fermier.

Conformément à ce qui a été dit plus haut, il n'est pas nécessaire que les animaux soient attachés à perpétuelle demeure à la culture du fonds, pour devenir immeubles par destination. Cette circonstance que le propriétaire, en attachant des animaux à la culture de son fonds, se proposerait de les vendre au boucher après leur avoir demandé un certain nombre d'années de travail, n'empêcherait pas qu'ils ne devinssent immeubles par destination. D'ailleurs il paraît singulier de parler de perpétuelle demeure pour des animaux dont l'existence, du moins celle utile pour le travail, est limitée par la nature à un terme fort court.

On est d'accord pour considérer comme immeubles par destination les troupeaux de moutons, qu'un propriétaire a attachés à son fonds pour le féconder. Mais il y a difficulté sur le point de savoir s'il faut aussi considérer comme tels les animaux, qu'un propriétaire attache à son fonds en vue de les y faire engraisser et de les vendre ensuite. Nous inclinerions vers l'affirmative; car, si ces animaux ne sont pas « attachés à la culture, ils sont au moins « placés sur le fonds pour... son exploi>>tation»: ce qui suffit, aux termes de l'art. 524, pour que l'immobilisation se produise. Beaucoup de terres d'ailleurs ne sont pas susceptibles d'être exploitées autrement que par le pacage des bestiaux; et, si les animaux dont il s'agit ne devenaient pas immeubles par destination, ils pourraient être saisis séparément du fonds, dont l'exploitation serait ainsi entravée, contrairement au vœu de la loi, La

doctrine se prononce en général en sens contraire, et, de la part de ceux qui croient que la perpétuelle demeure est indispensable pour l'immobilisation par destination agricole, cette opinion est logique.

« Les ustensiles aratoires ». On tenait dans notre ancien droit que instrumentum fundi non est pars fundi. Cela aboutissait à séparer dans bien des circonstances ce qui doit rester étroitement uni, par exemple, ainsi qu'on l'a vu plus haut, à attribuer le fonds au légataire des immeubles et les ustensiles aratoires au légataire des meubles. Pothier avait signalé les vices de cette législation.

« Les semences données aux fermiers ou colons partiaires », et aussi celles que le propriétaire, cultivant par lui-même, réserve chaque année pour les semailles de l'année suivante. « Chaque année, dit M. Laurent, la partie de la récolte, qui est destinée à ensemencer les terres, est immobilisée dans l'intérêt de l'agriculture ». Une fois jetées en terre, les semences deviennent immeubles par nature.

« Les pigeons des colombiers; - Les lapins des garennes ;... - Les pois» sons des étangs ». C'est par destination agricole que tous ces animaux sont immobilisés. Ils servent dans une certaine mesure à l'exploitation du fonds, aux dépens duquel ils se nourrissent, et dont ils augmentent le revenu.

Est-il bien utile d'observer, comme le font tous les auteurs, que des pigeons dans une volière, des lapins dans un clapier, et des poissons dans un réservoir ou vivier, ne seraient pas immeubles?

« Les ruches à miel ».

Des raisons au moins égales à celles qui ont fait classer les ruches à miel et les abeilles qu'elles contiennent parmi les immeubles par destination, quand elles ont été placées sur le fonds par le propriétaire, semblent exister en faveur des vers à soie. Souvent ils constituent un mode d'exploitation, et l'un des plus productifs dư fonds. Au conseil d'Etat, Pelet de la Lozère demanda qu'on les fit figurer à côté des abeilles. On lui donna, pour rejeter sa proposition, trois raisons dont la meilleure était encore mauvaise, et voilà comment l'art. 524 ne parle pas des vers à soie. Ce silence calculé suffit-il, comme on l'enseigne, pour décider que les vers à soie ne - sont pas immeubles par destination, quand ils ont été placés sur le fonds par le propriétaire pour son exploitation? Il est permis d'en douter; car l'énumération, que donne l'art. 524, n'est pas limitative, tout le monde est d'accord sur ce point. Et qu'importe que les vers à soie ne soient pas compris dans l'énumération légale, s'ils rentrent dans l'application du principe qui lui sert de base ?

« Les pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes ».

Cpr. Cass., 8 décembre 1885, Sir., 86. 1. 202.

Les barriques ne sont immeubles que lorsqu'elles sont destinées à rester dans le fonds pour loger la récolte. Elles sont meubles par conséquent, lorsque le propriétaire est dans l'usage de les vendre avec le vin qu'elles contiennent; car on ne peut pas dire alors qu'elles sont attachées au fonds.

Les échalas des vignes sont aussi immeubles par destination, quand ils ont été placés sur le fonds par le propriétaire dans l'intérêt du fonds. Il n'est pas nécessaire, comme on l'enseigne généralement, qu'ils aient été plantés; car ce n'est pas par accession, mais par destination agricole, qu'ils deviennent immeubles.

Même solution pour les perches à houblon.

« Les pailles et engrais ».

On induit en général du rapprochement, que la loi fait entre les pailles et les engrais, qu'elle n'entend parler que des pailles destinées à être transformées directement en engrais, c'est-à-dire de celles qui servent à la litière. Quant aux pailles, foins et avoines destinés à la nourriture des bestiaux, ils ne seraient pas immeubles par destination; car ils ne servent pas, immédiatement au moins, à l'exploitation du fonds. On a remarqué en faveur de cette solution que la rédaction primitive de la loi contenait le mot foins, qui a disparu de la rédaction définitive.

1225. La liste de l'art. 524 ne contient plus qu'un terme : « Les usten» siles nécessaires à l'exploitation des forges, papeteries et autres usines ». Il s'agit des forges destinées à la fabrication du fer.

Ce texte est relatif à l'immobilisation par destination industrielle. Le législateur a été bref sur ce point; à l'époque où le code a été rédigé, l'industrie manufacturière était encore dans l'enfance.

Les conditions exigées pour l'immobilisation industrielle sont les mêmes que celles requises pour l'immobilisation agricole. Il faut d'abord qu'il y ait un fonds industriel, consistant ordinairement en bâtiments spécialement construits ou appropriés pour l'exercice d'une industrie, et auxquels viendront s'attacher en qualité d'accessoires les machines, ustensiles et appareils destinés à exploiter le fonds. S'il n'y a pas d'immeuble industriel, pas d'immobilisation possible. Ainsi le métier, qu'un tisserand installe dans la maison qu'il habite, pour l'exercice de sa profession, ne devient pas immeuble. Il faut ensuite que les machines, ustensiles et appareils aient été placés sur le fonds par le propriétaire. Il faut enfin que ces machines, ustensiles et appareils soient nécessaires à l'exploitation du fonds industriel.

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Les chevaux que le propriétaire d'une usine y attache pour son exploitation doivent être considérés comme immeubles par destination, de même que les machines qui fournissent la force motrice. C'est du moins ce que l'on peut induire par argument de l'art. 8 de la loi du 21 avril 1810, où on lit : « Sont aussi immeu»bles par destination, les chevaux, agrès, outils et ustensiles servant à l'exploita» tion.

1226. Ce n'est pas seulement l'intérêt agricole et l'intérêt industriel qui peuvent immobiliser; tout autre intérêt le pourrait également, et notamment un intérêt commercial. Les textes n'ont à cet égard rien de restrictif. L'art. 524 parle d'une manière générale des objets que le propriétaire d'un FONDS y a placés pour son service et son exploitation; il ne dit pas que ce fonds doive nécessairement être un fonds agricole ou industriel, ce pourrait donc être un fonds de commerce. Nous n'insisterons pas sur ce point, parce qu'il est peut-être difficile de trouver l'exemple d'un fonds exclusivement commercial, auquel viennent s'adjoindre en qualité d'immeubles par destination des objets mobiliers affectés à son service et à son exploitation. Presque toujours, en pareil cas, un intérêt industriel sera mêlé à l'intérêt commercial. C'est ce qui arriverait par exemple dans le cas d'un établissement spécialement construit et aménagé pour servir d'hôtellerie. On ne peut guère douter que les meubles, placés par le propriétaire dans un semblable établissement pour assurer son exploitation à la fois commerciale et industrielle, ne soient immeubles par destination. En ce sens, Toulouse, 4 août 1883, Sir., 84. 2. 8, et Cass., 2 août 1886,

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