Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

on vient de le voir, le plan & l'objet en général. Comme je vous ai entretenu autrefois des œuvres de cet illuftre Ecrivain, il eft jufte que je vous parle de ces Lettres qui ont paru peu de temps après. Je ne m'attacherai pas cependant à donner l'extrait de toutes; ce feroit m'engager à fuivre quelquefois les fentiers d'une métaphyfique profonde, où il n'eft pas toujours aifé de fuivre l'Auteur. Il eft d'ailleurs fi précis, qu'il n'eft guères poffible de l'abréger. Je me contenterai donc de préfenter le titre & le fujet du plus grand nombre de ces Lettres ; je m'arrêterai davantage fur quelques autres plus intéreffantes.

La feconde Lettre regarde le fouvenir & la prévifion, dont M. de Maupertuis balance les avantages & les inconvéniens relativement à notre bonheur.

C'est ce bonheur qui fait le fujet de la Lettre fuivante. Elle contient une réfléxion qui, du premier coup d'œil, paroît un paradoxe, mais dont il eft difficile, en la confidérant de plus près, de ne pas reconnoître la vérité. C'eft que « pour chaque homme il y a une certaine » fomme de bonheur ou de malheur, » affez peu dépendante de la bonne ou

» de la mauvaise fortune." On

[ocr errors]

fe

peut convaincre de la justesse de cette réfléxion, en examinant les différens états de fon ame dans les différentes circonftances heureuses ou malheureufes de fa vie, M. de Maupertuis ne prétend pas que le paffage d'une fituation à une autre n'excite, pour le moment, des fentimens fort vifs de plaifir ou de douleur, & dont l'impreffion dure plus ou moins de temps. Mais après que ces premiers fentimens font émouffés, l'ame revient à fon affiette ordinaire, qui n'eft pas la même pour tous les hommes, mais qui dépend de leur plus ou moins de fenfibilité & de la trempe particulière de chacun d'où résulte pour chaque homme une certaine mefure de bonheur ou de malheur habituel. Cette explication, dont le texte de l'Auteur n'avoit pas même befoin, fert de réponse à une objection de mauvaise foi, qui fuppofe que çeci ne veut dire autre chofe, finon que chacun revient à fon caractère. Dire qu'un homme violent & emporté peut quelquefois fe modérer par effort, qu'un homme lent & flegmatique peut, par réfléxion, montrer plus d'activité dans quelques rencontres, mais que tôt ou

:

tard le naturel reprend le deffus, c'eft dire ce qui a été dit mille fois, & qui n'étoit pas même nouveau quand Horace a dit :

Naturam expellas furcâ, tamen ufque recurret.

Mais dire que la façon de penfer & de fentir, que le tempérament, &, fi l'on veut,le caractère particulier d'un homme le rend fufceptible d'une certaine mesure de bonheur ou de malheur, indépendamment de la bonne ou mauvaise fortune, mesure qui eft toujours à peu près la même pour cet homme, & qui ne feroit pas la même pour un autre, c'est ce qui n'a pas encore été dit, ou du moins ce qui n'a pas été présenté fous ce point de vûe.

Dans les fituations les plus heureufes n'a-t-on pas éprouvé certaines peines qui en diminuent l'agrément, & qui, dans d'autres circonftances, n'auroient pas excité la moindre attention? Et dans une fituation moins heureuse, n'a-t-on pas trouvé des reffources dont on n'avoit pas même eu l'idée ? Ceux qui d'un état médiocre ou peu aifé ont paffé à l'opulence, ne pourroient-ils pas attefter que

.

les premiers momens de leur félicité font peut-être les feuls momens heureux qu'ils ayent eus. Bientôt l'ame accoutumée à cet état n'en eft plus que légérement affectée, & reprend fon ancienne fituation. M. de Maupertuis compare cette fituation habituelle de l'ame à ce que les Méchaniciens appellent dans une Machine l'état permanent. La Machine peut recevoir quelques impulfions étrangères, qui d'abord accéléreront ou retarderont fon mouvement; mais elle tendra toujours à le reprendre, & s'y remettra infailliblement: de même l'ame, quelque fecouffe qu'elle ait reçue des événemens fâcheux ou profpères, tend toujours à revenir à cet état de contentement ou de détreffe qui lui eft propre, & qui, pour me fervir des termes l'Auteur, eft fon état permanent.

La quatrième Lettre roule fur la manière dont nous appercevons les objets. Ici l'on trouve,non-feulement une courte analyse des fentimens métaphyfiques des Mallebranches, des Leibnitz & des Berkeleys, mais encore des réfléxions neuves fur la manière dont nous appercevons l'étendue. L'Auteur prouve trèsbien qu'elle n'eft pas moins une percep

[ocr errors]

tion de l'ame que les autres qualités fenfibles des corps, telles que le goût, le

fon, l'odeur, la couleur, &c.

Les deux Lettres fuivantes expofent le fentiment de M. de Maupertuis fur l'ame des Bêtes, & fur le droit que nous avons fur elles. Il établit d'abord que ce qui conftitue l'ame eft le fentiment du foi ; que c'eft là ce qui caractérise la fimplicité de la fubftance à laquelle appartient ce fentiment; de forte que le fentiment le plus leger ou le plus confus fuppofe autant une fubftance fimple, que les fpéculations les plus fublimes & les plus abftraites. Comment donc quelques Philofophes, en laiffant aux Bêtes une ame purement fenfitive, ont-ils cru prendre un parti mitoyen entre Defcartes & ceux qui leur accordent, à la rigueur, une ame immatérielle? Ces Philofophes raifonnoient peu philofophiquement; car une fimple fenfation eft une perception accompagnée du fentiment du foì, & par conféquent ne peut pas plus appartenir à la matière que la pensée la plus réfléchie. En voulant éviter de donner une ame aux Bêtes, on leur en donnoit pourtant une.

Après tout, y auroit-il un fi grand

« VorigeDoorgaan »