DE LÉGISLATION ET DE JURISPRUDENCE. EXAMEN DOCTRINAL De la Jurisprudence des arrêts sur l'article 1525 Par M. COIN-DELISLE, avocat à la Cour impériale de Paris. PREMIER ARTICLE. I QUESTION. La stipulation dans un contrat de mariage entre futurs époux n'ayant point d'enfants d'un précédent mariage, « que la totalité de la communauté appartiendra au survivant, ou à l'un d'eux sculement, sauf aux héritiers de l'autre à faire la reprise des apports et capitaux tombés dans la communauté du chef de leur auteur, est-elle si peu un avantage sujet aux règles relatives aux donations, soit quant au fond, soit quant à la forme, et tellement une simple convention de mariage et entre associés, qu'elle ne soit pas soumise au retranchement pour la légitime des enfants nés du mariage, et au droit proportionnel de mutation par décès ? II QUESTION. En serait-il de même si, au lieu d'avoir stipulé la totalité des bénéfices de communauté, il n'avait été stipulé qu'une portion des acquêts ou l'usufruit total ou partiel d'iceux. III QUESTION. En est-il de même quand la clause a été insérée au contrat de mariage sous le nom de donation? IVE QUESTION. En est-il de même quand la stipulation attribue à la fois à l'époux survivant les bénéfices de communauté et une portion des apports ou des propres du prédécédé? V QUESTION. Que doit-on décider en secondes noces, quand le contrat de mariage attribue au nouvel époux, à titre de convention, tout ou partie des bénéfices de la communauté ou de la société d'acquêts, soit en propriété, soit en usufruit, et qu'il existe des enfants de l'époux prédécédé ?. VI QUESTION. Dans tous les cas où la stipulation d'attribution des bénéfices de communauté est considérée comme convention de mariage, l'époux qui en profite a-t-il droit aux donations qui lui sont faites par contrat de mariage ou autrement, dans la mesure des articles 1094 ou 1098? IT QUESTION. SOMMAIRE. 1. Quand la stipulation est faite dans les termes mêmes de l'article 1525 entre époux n'ayant pas d'enfants d'un premier lit, les enfants du mariage ne peuvent y réclamer la réserve, ni l'enregistrement le droit proportionnel de mutation. 2. Développements de la solution sous les deux rapports. 3. Arrêts en matière d'enregistrement. 4. Arrêts sur la réserve des enfants. 1. Aucune des trois premières questions ne souffre de difficulté véritable. Prenons d'abord la première. Quand un mariage est prêt à se former entre deux personnes qui n'ont point encore subi le lien conjugal, ou du moins qui n'ont point d'enfants d'un premier mariage, la stipulation réciproque ou par l'une d'elles seulement que la totalité de la communauté appartiendra « au survivant, c'est-à-dire au stipulant, « sauf aux héritiers de l'autre à faire la reprise des apports et « capitaux tombés dans la communauté du chef de leur auteur,» produit une véritable convention de mariage et entre associés, laquelle n'est, par conséquent, pas soumise au retranchement pour la légitime des enfants à naître des deux époux. Ainsi, sur ce point, je résous la question sans discussion aucune; je ne m'occupe même pas ici du mot réputées, du mot simplement, du soin qu'a eu le législateur de dire convention de mariage et entre associés, termes qui ont pourtant leur énergie propre et intentionnelle. Je ne promets pas la même sobriété quand j'arriverai à la cinquième question, en vue de laquelle je fais toutes ces observations préliminaires. Il faut établir d'abord les vérités incontestées, parce que c'est élargir la base sur laquelle s'assied le raisonnement pour la démonstration des questions controversées ou controversables. 2. En effet (en ce qui concerne la légitime des enfants), si le mariage conclu doit être l'union des âmes et la fusion indivisible d'une vie commune, de ses joies, de ses chagrins, de ses honneurs, on n'est pas encore époux quand se fait le contrat de mariage, et il est licite ALORS de combiner sagement l'intérêt de chacun des époux futurs, ses intentions envers sa famille, envers sa position sociale, envers lui-même, eu égard aux événements qui, dans l'ordre de l'humanité, détruiront l'union projetée. Tout ce qui concerne les biens est donc contrat à titre onéreux, contrat irrévocable, convention sans laquelle le mariage n'aurait pas été fait; et même convention entre associés, puisque le mariage est la plus chère et la plus sacrée de toutes les sociétés humaines. Le contrat de mariage est le plus irrévocable des contrats; et par conséquent toute convention matrimoniale qui, sans constituer une libéralité par donation, ne tombe pas devant les prohibitions de droit public indiqués dans les articles 1387, 1388, 1389 et 1390 du Code Napoléon, est à la fois convention de mariage et convention entre associés, dès qu'il y a société et communauté dans les biens. Cela ne fait pas de doute et par conséquent tout ce qui est écrit depuis l'article 1400 jusqu'à l'article 1494 sur la communauté légale ne constitue aucun avantage contre lequel puissent s'élever les enfants du mariage; par conséquent encore, aucune des modifications apportées aux conséquences légales de la communauté par la communauté conventionnelle, depuis l'article 1497 jusques et y compris l'article 1526, ne constitue non plus un avantage que les enfants communs puissent critiquer. Tout y est convention de mariage ou convention entre associés, tels que les stipulations des parts inégales, le forfait de communauté, etc., etc..... Il y a donc eu une intention particulière dans la rédaction fastueuse de l'article 1525, où la stipulation que la totalité des bénéfices appartiendra au survivant est déclarée ne pas constituer un avantage sujet aux règles relatives aux donations, soit quant au fond, soit quant à la forme, mais simplement une convention de mariage et entre associés. -On reviendra sur cette rédaction à propos des Questions IV et V. L'examen en serait inutile ici. En ce qui concerne l'enregistrement, les principes sont trèssimples. Les conventions conditionnelles nous engagent dès le jour du contrat, et l'événement de la survie déterminera au profit du survivant quel a été le propriétaire dès le commencement de la communauté ou de la société d'acquêts. 3. Aussi est-ce une jurisprudence constante que la clause de l'article 1525 est une vraie convention matrimoniale et entre associés. Cela a été fréquemment décidé avec l'administration de l'enregistrement. Arrêt de la Cour de cassation du 6 mars 1822 (affaire Tribard), qui repousse par rejet les prétentions de la régie contre les héritiers Tribard, parce que la stipulation du contrat de mariage, portant qu'en cas de prédécès de la femme sans enfants «le mari n'aurait à rendre aux héritiers de cette dernière que « ce qu'il avait reçu d'elle ou à cause d'elle, » n'était qu'une modification de la stipulation de communauté posée au même contrat, modification formellement autorisée par l'article 1525 du Code civil; que l'effet d'une telle clause est que la femme prédécédée n'a jamais eu un droit acquis aux bénéfices de la communauté ; d'où il suit que par l'événement de son prédécès le mari seul a recueilli, à l'exclusion des héritiers de la femme, les acquêts de cette communauté, et qu'ainsi ce prédécès n'a pas opéré au profit du mari une mutation de propriété qui ait donné ouverture à un droit proportionnel d'enregistrement. Mêmes principes dans un arrêt de cassation du S8 mai 1854 (aff. Roussel); dans un arrêt de rejet du 1 août 1855 (aff. Bourdon), et dans un arrêt de cassation du 7 avril 1856 (aff. veuve Lecoq), rendu dans l'espèce d'une veuve qui, en vertu d'une stipulation portée en son contrat de mariage, reprenait dans la communauté, à dire d'experts, un fonds de commerce et un droit dans une société, sur lesquels l'administration voulait percevoir les droits de vente mobilière. Mais la Cour, en se fondant sur l'article 1525, décida « que l'attribution de toute « la communauté à l'époux survivant ne cesse pas d'être une «< convention matrimoniale et ne prend pas le caractère d'une « mutation à titre onéreux, passible d'un droit proportionnel d'enregistrement, par cette seule circonstance qu'il aura été " " stipulé que le survivant payera aux héritiers du prémourant « soit une somme fixe, soit une somme dont les bases d'éva«luation sont déterminées d'avance par le contrat de mariage; « que le droit de propriété du survivant prend son origine et « son titre, non dans un contrat consensuel à intervenir avec « les héritiers du prémourant, mais dans la clause même du « contrat de mariage qui lui fait attribution de ce droit pour le « cas où la chance aléatoire de survie s'ouvrirait en sa faveur, » Ainsi le principe de la transmission de propriété par le consentement, et de la rétroactivité par l'accomplissement de la condition suspensive, nous démontre sûrement que les biens. compris dans la stipulation de la totalité des bénéfices de ་ |