LITTÉRAIRE.

ANNÉE M. DCC. LXXXII.

Parcere perfonis, dicere de vitiis. MART.
TOME PREMIER,

A PARIS,

Chez MERIGOT, le jeune, Libraire,
Quai des Auguftins, au coin de la
rue Pavée.

M. DCC. LXXXII.

L'ANNÉE

LITTÉRAIRE.

LETTRE I.

Réflexions préliminaires fur l'état actuel

de la LITTÉRATURE.

Nous marchons à grands pas vers

la barbarie, Monfieur; les Ecrivains qui foutenoient encore la Littérature Françoise fur fon déclin, vieilliffent & difparoiffent fans être remplacés, Si quelque talent fe montre, il eft bientôt étouffé par la frivolité & la diffipation, égaré par la mode & le ton dominant, rebuté par les intrigues de la médiocrité : le gout du public s'altère & fe corrompt chaque jour. Ce ne font point là de vaines déclamations d'un Journaliste qui veut fe ren

dre difficile pour paroître important; c'eft une trifte vérité que l'expérience confirme. Q'on jette un coup-d'œil fur les ouvrages nouveaux, fur ceux même qui réuffiffent, & l'on fera effrayé de notre difette. En rapprochant les différentes productions dont je vous ai rendu compte l'année dernière, je ne vois point dans nos faftes littéraires, d'époque plus ftérile & plus malheureuse.

Que font devenus les jours brillans de notre fcène ? Dans quel état eft aujourdhui le théâtre François? le pu-blic, raffafié de nos anciens chefs-d'œeuvre, fouvent défigurés par les Acteurs, abandonne un fpectacle qui n'offre plus de nouvel attrait à fa curiofité grâce à la fameufe querelle qui divife les Auteurs & les Comédiens, Richard III eft la feule Tragédié nouvelle, jouée aux François dans le cours de l'année dernière, & ce qui n'eft pas moins fingulier, c'eft prefqué la feule Tragédie tombée, dont la parodie ait réuffi; car le fuccès de ces drames fatyriques, dépend beaucoup de la célébrité & du mérite de la pièce parodiée.

Les nouveautés n'ont pas été toutà-fait fi rares dans le genre comique, mais elles n'ont fait qu'une fenfation médiocre; on a trouvé dans quelquesunes de la fineffe, de la facilité, d'heureufes faillies; mais point d'invention, point de verve comique, & fur-tout point de naturel & de vérité : au reste, que cette année n'ait pas été féconde en pièces nouvelles, c'est un léger malheur; mais les amateurs doivent être vraiment confternés, quand ils confidèrent quelles font les reffources qui nous reftent, quels font les Ecrivains qui font aujourd'hui l'efpoir & le foutien du théâtre François.

L'Auteur d'Hypermnestre a de l'imagination & de la chaleur, une grande intelligence de la fcène & des effets; mais dans ce genre là même, inférieur à du Belloy, il abufe encore plus que lui de la Pantomime, il eft encore plus dur & plus âpre dans fon ftyle.

Ce n'eft pas la correction ni l'élégance, c'eft l'énergie & la force tragique qui manquent à l'Auteur de Varwick: il connoît les vrais principes & les bons modèles; mais après