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nano ne luy ayant laissé vaillant au monde que onze cents livres de rente, il luy estoit impossible, outre la passion naturelle qu'il avoit au service du Roy, de se passer de ses bonnes grâces. Que ses ennemis les luy vouloient fère perdre en l'esloignant de luy pour luy rendre aprez ses actions suspectes; mais qu'il les vouloit conserver malgré eux en remettant entre ses mains sa vye et sa liberté dans un lieu où ilz n'auroient plus l'advantage de le pouvoir calumnier. Aprez cela, l'exempt l'ayant pressé et repressé par plusieurs fois de choisir plustost le Pont Sainct-Esprit que la Bastille, et voyant qu'il ne le pouvoit fère changer de résollution, il luy dit: Monsieur, quand vous plaira-t-il donc d'aller à la Bastille? - Il respondit: Présentement; et pour vous monstrer que vous ne me surprenez point, mon petit pacquet est tout prest sur la table de mon cabinet; car il y a trois jours que j'attendois cecy avec impatience. Et en mesme temps commanda que l'on mit les chevaux à son carrosse. Mais quelqu'un qui se trouva là ayant dit à l'exempt qu'il vaudroit mieux n'aller qu'aprez disner, à cause qu'il estoit plus de midy, et que l'on alloit porter la viande, il dit à Monsieur le Colonel qu'il valloit mieux qu'il disnast avant que de partir. - Monsieur le Colonel respondit que cela estant indifférend, il le vouloit bien. Et incontinent il fut trouver Madame la Marquise, et luy dire qu'elle ne se devoit point affliger, puisqu'il avoit ce qu'il avoit désiré. Elle se comporta en cela avec un très grand courage. Puis il

vint disner, et en disnant beut à l'exempt à la santé du Roy, et le pria de luy dire que s'il luy bailloit la Bastille pour punition de n'avoir pas exécuté le commandement d'aller au Sainct-Esprit, il la recevoit de bon cœur pour telle, sçachant que le Roy est le maistre et qu'il pouvoit fère ce qu'il luy plaist. Que sy au contraire il la luy bailloit pour protection contre les calumnies de ses ennemis, il la recevoit comme une très grande grâce, et espéroit d'avoir un jour plus de part que jamais aux bonnes grâces de Sa Majesté, à laquelle il le supplioit aussy de dire que, soit qu'il demeurast dix heures, ou dix jours, ou dix mois, ou dix ans dans la Bastille, il la supplioit très humblement de croire qu'il seroit aussy prest au sortir de là, d'aller sacrifier sa vye pour son service, que sy elle luy donnoit maintenant la charge de Connestable. Il dit aussy à l'exempt en disnant, qu'il luy donnoit sa foy et sa parolle, que quand on laisseroit les portes de la Bastille ouvertes, il n'en sortiroit jamais que le Roy ne l'en tirast, et qu'il désavouoit pour ses amis tous ceux qui parleroient pour sa liberté, ne la voulant attendre que du Roy seul, et de la cognoissance que le temps luy donneroit de sa fidellité. Après, il se mit à parler en riant de diverses choses, et l'exempt l'ayant encor fort pressé aprez disner d'aller plustost au Sainct-Esprit qu'à la Bastille, et luy ayant mesme dit qu'il luy donnoit encor vingt-quatre heures pour y penser, Monsieur le Colonel respondit qu'il ne falloit pas différer davantage, et qu'il luy tardoit desjà d'y

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estre. Et ainsy disant adieu à Madame la Marquise il s'en alla acompagné seullement d'un des siens nommé Clermont, et fit mettre l'exempt à la portière auprez de luy avec un visage et une constance au delà de toutes parolles. M. de Chaudebonne se mit dans le carrosse et l'acompagna jusques à la Bastille, à la porte de laquelle, et encor après qu'il fut dedans, l'exempt le pressa derechef avec grande instance d'en sortir pour aller au Sainct-Esprit, et luy dit qu'il luy donnoit encore vingt-quatre heures pour y penser, ce qu'il refusa. Incontinent aprez M. de Luxembourg le vint voir, et le lendemain, jour de la Feste-Dieu, comme il estoit prest de se confesser pour communier, M. de Luxembourg estant revenu, le pria de ne le pas fère jusques à ce qu'il eust eu ordre de la Cour; ce qui fascha Monsieur le Colonel. Et depuis ayant eu ordre de la Cour de le resserrer, et ne laisser parler personne à luy, il le mit dans la chambre de Monsieur le Prince, et ne le laissa plus promener sur les tours. Mais M. de Luxembourg estant incontinent aprez allé à la Cour, il en rapporta ordre de luy laisser entendre la messe tous les jours, de le laisser confesser et communier quand il voudroit, de le laisser promener deux fois le jour, et de luy bailler encor un page et un lacquais.

Le sieur de Boislouet, exempt susdit, estant retourné le soir mesme à Compiégne, le M. de la Vieville luy fit dire qu'il y avoit mille livres à gangner pour luy s'il le vouloit voir avant que voir le Roy.

488 JOURNAL INÉDIT D'ARRNAULD D'ANDILLY.

Mais il n'en voulut rien fère et alla trouver M. du Hallier, duquel il avoit receu le commandement, lequel le mena chez Sa Majesté ; et bien que le Roy fust couché, il entra, tira son rideau, et luy présenta Boislouet sans avoir voulu auparavant sçavoir de luy ce qui s'estoit passé. Boislouet conta tout au Roy en fort homme de bien; et quand il luy dit les injures de Galeteau, le Roy tesmoigna grand mescontentement, et se mordit le doigt.

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FIN DE L'APPendice.

TABLE DES MATIERES.}

1614

JANVIER. Mort de M. d'Attichy.

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Dollé, intendant.
Barbin, intendant de la maison de la Reine. Duel de MM.
d'Ouailly et Maigneux contre Bouteville et Chantemerle.
Duel de M. du Pesché contre M. d'Erouville. Mort de Ca-
vart.- Mariage du marquis de Sablé avec Mlle de Souvré.
Retraite du duc de Nevers. Enlèvement de M. de Vertau.
- MM. de Luxembourg et Barrin. — M. le Prince va à Châ-
teauroux. Rappel du duc d'Epernon. - Duel de MM. de
Bours-Montmorency et Bucan contre MM. de Refuge et Des-
bordes-Valencey. - M. du Maine s'éloigne. Duel de MM.
des Marests et de Sainte-More contre le marquis de Rouillac
et Saint-Vincent. - Départ de M. de Bouillon..

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FÉVRIER.MM. de Ventadour et de Boissise envoyés vers M. le
Prince. Départ de M. de Longueville. Arrestation de

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M. de Vendôme. Le maréchal d'Ancre va à Amiens.
Duel de M. de Miraumont contre M. de Nausé. Cadenet
envoyé en Chainpagne. Retour de MM. de Ventadour et de
Boissise. Le comte de la Roche mis à la Bastille, M. de
Nevers s'empare de Mézières. Évasion de M. de Vendôme.
Lettres de M. le Prince à la Reine et au Parlement...

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